Un peu comme un toubib qui administre un placebo à un
malade mourant, nos députés découvrent, la « conscience en charpie », l'amère
réalité de l'école algérienne. Un représentant de l'ex-parti unique, à la chambre
dite « basse » du Parlement, est allé jusqu'à exiger une réunion d'urgence du
Conseil des ministres et le Conseil du gouvernement pour une évaluation
exhaustive afin de définir rapidement une refonte de la réforme... de
l'avant-dernière réforme ! Mais si le flop de l'école algérienne est un constat
connu de tous, que faisaient nos édiles nationaux pour enfin écarquiller les
yeux sur un drame qui se joue à huis clos -et depuis longtemps- sous le sceptre
de la république ? Si nos élèves sont sous-qualifiés pédagogiquement et
disqualifiés scientifiquement, en quoi nos députés sont-ils plus méritants pour
pousser des cris d'orfraie, à la présentation d'un rapport accablant sur
l'échec de la première institution de la république : l'école publique ? Lors d'une
journée parlementaire consacrée au « drame national », l'inspecteur général de
la pédagogie au ministère de l'Education a fait état de 33% des élèves qui
quittent les bancs de l'école avant l'âge de 16 ans. Avec un bachot qui ne veut
pratiquement plus rien, une véritable bombe a retardement pour l'Algérie de
demain. En quoi le travail d'un potache algérien est-il plus médiocre que le
flop total d'un député, d'un sénateur, ou d'un ministre, coincés dans une sorte
de mouvement permanent... dans l'immobilisme ambiant ?! Vérité des pâmoisons
que de dire que l'école publique, victime d'un changement brutal de l'ordre des
priorités « matérielles » du monde d'ici-bas, se retrouve dans le sous-sol de
la république, risquant de creuser encore et toujours, même si tout le monde
est arrivé au fond. Un peu comme un maître-nageur qui dispose bien d'un diplôme
en natation mais sans jamais avoir trempé dans une bassine, de toute sa triste
vie, depuis le retour du soleil de la liberté sur le pays et jusqu'aux générations
dites de Benbouzid, arrivées sur les bancs des écoles à partir de la fin des
années quatre-vingt, l'Algérie consommait le quart de son budget dans
l'éducation et la formation pour se retrouver avec des bataillons entiers
d'analphabètes sur les bras, plus d'un demi-siècle plus tard. Sauf qu'avec ce
score (ou record !) de maréchal enregistré cette année à l'examen du
baccalauréat, la situation apparaît comme une véritable bombe à retardement,
réglée pour exploser sur nos têtes dans pas très longtemps. Si de nombreux
Algériens ont depuis longtemps fait le choix «cornélien» entre le cartable et
le pain, des générations entières se retrouvent aujourd'hui sacrifiées pour
avoir certes fréquenté l'école, mais pas celle qui vous apprend à devenir un
homme et de trouver sa place dans un monde où le non instruit doit avoir sa
place dans un enclos. L'onde de choc de l'enseignement au rabais pratiqué
depuis longtemps en Algérie se fait déjà ressentir avec la non-reconnaissance
des «papiers» délivrés par les universités algériennes, y compris dans des pays
qui ont commencé l'interminable course vers le monde «clos» du Savoir et de la
connaissance bien après nous. La mission régalienne d'éduquer un peuple et lui
donner les moyens de faire face à un monde impitoyable pour les «sans-lettres»
est l'un des premiers éléments constitutifs de la souveraineté d'un pays digne
de ce nom. Aussi vrai que ne pas réhabiliter l'Ecole algérienne dans son rôle
originel de premier socle solide de la république, c'est un peu comme un médecin
qui assiste, les bras ballants, à la mort d'un patient, faute d'avoir
diagnostiqué sa maladie à temps.
Au fait, qui a dit
qu'élevé à la rude école du malheur, il y remportait tous les prix... ?