La condamnation,
ce lundi, de Rachid Aouine, militant et défenseur des droits des chômeurs, à
six mois de prison ferme par le tribunal d'El Oued pour «incitation à un
attroupement non armé» en vertu de l'article 100 du code pénal, continue de
susciter les réactions de plusieurs organisations non gouvernementales qui
l'ont unanimement dénoncé.
Son co-accusé,
Brahimi Abdelhamid, poursuivi pour les mêmes chefs d'inculpation, a été relaxé.
Pour le Mouvement Barakat, cette condamnation est un message clair, un
avertissement qui dit qu'«on ne touche pas aux fondements de la rente du
régime». Dans un communiqué rendu public, hier, le Mouvement, fidèle à sa
dialectique, dénonce «une justice aux ordres» en rappelant, nommément, les
militants qui ont été déjà condamnés à de la prison. Il cite, entre autres,
Brahimi Belelmi, Mazouzi Benallal ou encore Djaballah Abdelkader. Selon la même
source d'informations, la condamnation de ces «militants de la cause des
chômeurs, engagés pour alerter l'opinion publique sur le droit au travail»
répond à «la nature autoritaire d'un régime» qui se sent «menacé». Barakat
estime que la crainte de voir une coordination naître entre les militants du
Sud pour coordonner «la résistance contre le gaz de schiste» a incité «le
régime a des condamnations de prison ferme préventive ». Et de s'interroger sur
les deux poids deux mesures concernant les mêmes «chefs d'inculpation» entre le
Nord et le Sud. Le communiqué dénonce «ces atteintes aux libertés d'expression,
de manifestations et la manipulation honteuse de la justice aux profits d'un
régime clanique.» Le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme
(LADDH), Me Nourredine Benissad, à la tête du collectif d'avocats en charge de
la défense des deux militants, dénonce un procès pour «délit d'opinion». Dans
son communiqué, la LADDH indique que les avocats de la défense ont «soutenu
lors du procès que les poursuites étaient infondées sur le plan juridique, que
l'infraction de l'incitation à l'attroupement était un résidu des années de plomb».
Le collectif des avocats a annoncé son intention de faire appel de la
condamnation de Rachid Aouine ainsi que d'assurer la défense de Abdelkader
Khancha, jugé aujourd'hui à Laghouat. Ce dernier, rappelons-le, a été condamné,
le 11 février dernier, à six mois de prison ferme et six mois avec sursis,
après avoir été interpellé lors d'un sit-in organisé en solidarité à un autre
militant du même mouvement. La LADDH avait sollicité ce dimanche le rapporteur
spécial de l'Onu, Michel Forst, sur la situation des défenseurs des droits de
l'Homme en Algérie, notamment sur les cas de Rachid Aouine et Abdelkader
Khancha qui n'auraient pas eu droit à des procès «équitables». «Le procès de
Belkacem Khancha et ses camarades a été interdit au public, alors que les procès
judiciaires devraient être publics et en présence des citoyens, comme le dit la
loi nationale et internationale», précise Me Benissad. Par ailleurs, l'ONG
Human Rights Watch avait déjà condamné l'arrestation de Rachid Aouine, ainsi
que celle d'autres militants du CNDDC, dans un communiqué publié ce dimanche
sur son site web. Rachid Aouine a été arrêté et placé en détention provisoire,
dimanche 3 mars, par le procureur général de la Cour d'El Oued, pour avoir
«incité les forces de l'ordre à manifester» dans une publication sur Facebook.
Brahimi Abdelhamid avait été arrêté le lendemain pour les mêmes chefs
d'inculpation.