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De l'usure. Des députés, femmes aliénées
par la haine de soi ou hommes marqués au front par l'obsession de la femme, ont
fait l'événement international de l'Algérie pauvre et triste : la femme
harcelée est coupable de provoquer l'excitation de l'homme par ses habits.
C'était à l'occasion du vote sur la loi du cas la semaine dernière. On y a
découvert ce qu'une algérienne libre a appelé l'islamisme normalisé, élu, voté
et écouté. Ce genre d'islamisme qui aujourd'hui vient crier sa charia, appeler
au meurtre, faire le paon dans les rues et imposer sa loi et ses vêtements et
ne pas se lever à l'hymne national et devant les caméras. Et c'est là le plus
hallucinant : 200.000 morts, des centaines de discours d'Ouyahia prophète de
l'éradication, 20.000 disparus, un coup d'Etat, un président démis, un autre
tué dans le dos, un dernier usé jusqu'au cheveux, un isolement international de
dix ans, des massacres horribles, un Daech avant le Daech, de la terreur, un
pays cassé, une économie en ruine, un traumatisme collectif puissant pour en
arriver à ça : des islamistes assis à l'APN harcelant les victimes qui
demandent protection contre le harcèlement. En arriver à produire un élu de
Ouargla qui squatte le mot « dignité » attribué à son parti, pour expliquer que
la femme doit s'habiller avec pudeur ? Toute une guerre pour finir en kamis et
en fillettes écolières voilées à 6 ans ?
Pourquoi accepte-t-on aujourd'hui de l'islamiste ce qu'on lui refusait en 1992 alors ? A cause d'une nuance : en 92 le FIS voulait à la fois voiler la femme, talibaniser le pays et prendre le pouvoir. Pour 2015, l'islamiste s'habille mieux, crie moins sauf certains vendredis et ne s'attaque jamais qu'au plus désarmé : l'intellectuel différent, la femme belle d'être femme et vous, et moi et les autres mais jamais le Pouvoir. Du coup, on le tolère, on l'accepte et il sert d'aboyeur. Contenu dans son ambition politique (illusoirement), on lui cède la gestion « morale » de la rue et de la peau et du corps et de la vie sociale. C'est un lieu commun de répéter que si le FIS n'a pas gagné la guerre, il a gagné le reste. Maintenant il a généralisé ses idées et elles ont des députés et une sorte d'assentiment généralisé par la culpabilité des élites et la soumission des plèbes. L'islamisme a réussi son monopole sur la question religieuse algérienne, la vie quotidienne, les rites, le Dieu, la notion de Salut, la philosophie quotidienne et les normes : quand on le critique, on vous attaque pour avoir critiqué l'islam, l'arabité ou « les valeurs algériennes » ou la « pudeur ». Le fameux nom d'Allah écrit au laser dans le ciel d'un stade (pour ceux qui s'en souviennent) a été remplacé par deux chaînes de télévision et deux journaux et avec les mêmes effets d'abrutissement. Donc on y est : la femme, cette obsession du religieux qui enterrait la femme sous terre avant l'islam et qui l'enterre sous du tissu avec l'islam. Question franche et brutale : l'Algérie a-t-elle une chance de sortir vivante de la lente talibanisation de son peuple ? A peine. Il faut se le dire mais il faut aussi se battre mètre par mètre contre ceux qui parlent au nom de Dieu en disant que Dieu leur a parlé à eux. Bouteflika annonce la révision du code de la famille ? Cela sera du texte tant que son régime laisse faire les chaînes talibanes, les prêcheurs de rues, l'islamisme normalisé. C'est une contradiction ou une manœuvre. Cela sert à quoi un code révisé dans un pays où l'école comme les médias, où le discours ambiant produisent de l'islamiste résistant, des femmes haineuses de soi et une culture générale bigote, triste, détestant le désir, l'amour, le corps, le plaisir, la danse et la liberté ? On ne peut pas affirmer défendre la femme et sa liberté en fabriquant de l'islamiste à la chaîne. On ne peut pas annoncer un code qui protège la femme et vivre un deal avec les islamistes dans son dos. Tromper n'est pas aimer. |
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