L'un
dit que c'est le Barça qui va gagner cette rencontre. L'autre dit que c'est le
Real qui cartonnera contre son adversaire et se maintiendra en tête. C'est le
championnat espagnol et la tête du classement qui est en jeu. Il est vingt
heures et des poussières, la ville était déserte. On dirait ramadane sauf que
ce n'était pas le muezzin qu'on attendait, mais le coup de sifflet de l'arbitre
qui officiait la rencontre entre les deux équipes de foot espagnoles. A 21h et
des gouttes de pluie, tous étaient enfermés, qui chez eux, qui dans des cafés.
C'était à voir cette ville où il n'y avait plus rien avoir. Boutiques fermées.
Pharmacies ouvertes mais télés branchées. Tous les yeux de la ville étaient
rivés sur la seule chaîne qui diffusait le match. Phénomène. Il paraît que des
centaines de personnes se déplacent en Espagne pour supporter une des deux
équipes. Des centaines qui ont acheté le billet de
stade au prix du marché noir. D'autres se sont cotisés pour l'achat d'une carte
leur donnant droit d'accès à cette chaîne cryptée. Premier but, explosion de
liesse. Explosion du prix du café. Deuxième but, explosion de joie, explosion
du prix du thé. Mi-temps, explosion du cafetier qui réajuste ses prix vers la hausse.
Il hausse le ton et demande à ce qu'on lui règle les consommations avant le
début de la deuxième partie de la rencontre. «Sinon natfi koulchi». Troisième
but? Troisième but, le patron décide de ne plus servir de café et de ne vendre
que les produits qui ne marchent pas trop. Liquider le stock. Quatrième but, il
commence à débarrasser les tables. Cinquième but, il s'installe au seuil de son
établissement. Ne sortira que celui qui a tout réglé. Il filtre les sorties.
C'est la fin. Tous sont dehors pour fêter la victoire d'une équipe qui a duré
90 minutes. A part ça, ou plutôt à Barça, ils s'en retourneront à leur
quotidienneté pour attendre le «messi» qui les délivrera d'une ville où le rêve
est à peine toléré.