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Au nom d'Allah, mais au prénom de la haine

par Kamel Daoud

«...La Blanchitude. Une sorte de manuel d'un Aimé Césaire « Blanc ». Occidental. Analyse sur une peau, un masque, une solitude insulaire. Le « Vendredi » devenu le « Samedi ». De quoi provoquer la curiosité. Car l'Occident est désormais, cerné, pourchassé, perdu, coincé. On ne sait pas qu'il n'a pas d'âme ou s'il en a une ; alors on va lui donner le nom du Samedi sur l'île de notre rencontre. Question alors vieille comme le 17ème siècle face au Noir et à l'indigène : doit-on soumettre l'Occident ? Le convertir ? Le rééduquer ? Le remplacer ? Lui mettre le fer au pied ou notre Dieu dans la tête ? Le déplacer ? Les prises d'otages des touristes/journalistes ou humanitaires dans les sahelistans du monde ont même inversé les rôles : la traite du blanc est monnaie et monnaie courante. Le marché des esclaves, leurs tarifs, leur soldes, leurs vertus concerne le blanc-marchandise, pas le noir, le brun ou le jaune. Comme autrefois : certains sont échangeables contre des rançons, d'autres sont corvéables. Ou jetables par égorgement. L'Occident est le « Samedi » de la nouvelle robinsonnade au nom d'Allah. Et face à lui, on retrouve les vieilles attitudes : les plus sincères veulent le convertir. Par la force ou la pédagogie. D'autres le traitent avec mépris. D'autres en font le lieu de leurs exotismes. D'autres y plaident le voile. Est-il humain d'ailleurs ? Sinon, il faut aussi le décimer s'il ne se convertit pas. A quoi ? A l'Islam, ou à nous, à nos modes ou à nos convictions. Comme autrefois : on veut le sauver de sa « misère morale », de ses crises, de sa pauvreté de l'âme. C'est pour son bien. On peut y trouver dedans ce qu'on trouvait dans les géographies des négritudes : le blanc soumis, le blanc vaincu, le blanc récalcitrant, le blanc intelligent, le blanc métis, le blanc éveillé et le blanc endormis et le blanc qui essaye de renommer ses divinités ou changer ses danses. Le blanc cassé aussi. L'absolu contraste ou le gris désiré, fantasmé. La blanchitude est désormais la grande question du 21ème siècle, après la fin des grands courants de l'exploration/colonisation. C'est le siècle de la rétraction. Le non-empire contre-attaque l'île de Gorée. Violemment. Il veut détruire le mode de vie du « Blanc », lui prendre sa géographie, ses valeurs, ses libertés et enclencher l'inversement par la « traite du blanc ». Cycles de l'histoire.

Car l'islam n'est qu'un prétexte pour les djihadistes, les islamistes ou les prêcheurs. C'est l'habit. Au fond, gît le refus, la haine ou la violence ou le désir de dominer un dominant. Charlie n'est qu'un prétexte, la caricature aussi. Le fond est le rejet, le déni, la haine ou la vengeance ou la violence. La preuve ? On ne manifeste pas quand Daech brûle, immole ou égorge et porte atteinte à l'islam, mais on s'offusque d'un dessin et d'une caricature moins tragique que El Baghdadi et sa noirceur d'âme. Car si dessiner un prophète heurte plus que de se prendre pour un prophète (par le Calife de Daech), c'est que le fond du problème n'est pas l'Islam ou l'atteinte à l'islam mais l'Occident et la haine de l'Occident? »