A deux mois
exactement qui nous séparent du 15 avril, date à laquelle le coup d'envoi
officiel sera donné aux manifestations de l'événement : Constantine capitale de
la culture arabe. Mais la vieille ville souffre de l'arrêt absolu ou relatif
des projets de réhabilitation des lieux à caractère à la fois culturel,
historique, social et cultuel. Les anciennes mosquées, la Grande Mosquée, El
Kettenia, Hussein Bey, Ettidjania inférieure et Ettidjania supérieure, Derrar,
sont des chantiers accusant soit un retard énorme ou bien sont carrément à
l'arrêt complet. La Grande Mosquée dont les travaux de réhabilitation ont
démarré en juin 2014 pour prendre fin, en principe après 12 mois, sont à
l'arrêt depuis plus de deux mois, a-t-on pu constater sur les lieux. Dar El
Mecheikh, juste à côté, elle aussi dans un état grave de dégradation, attend sa
réhabilitation et le projet de l'ouverture d'une bibliothèque annexée à ce
projet est mis aux oubliettes. Suite à la fermeture simultanée de ces lieux de
culte, les riverains, les passants ainsi que les personnes venues des autres
wilayas, attirés par ce quartier très commerçant, doivent se rendre jusqu'à Bab
El Kantara pour faire leur prière, «La mosquée Karaoui est trop étroite pour
nous tous, se déplacer à Bab El Kantara est très contraignant pour les
personnes âgées, surtout pour la prière d'El Fedjr », s'est plaint un riverain.
Un autre a ajouté, « on aurait dû organiser ces fermetures et les programmer
pour ne pas nous priver de la voix des muezzins appelant à la prière et pour
permettre aux gens dont la mosquée a été fermée de trouver une autre facilement
et à proximité». Cette situation a porté également préjudice aux commerçants de
la vieille ville, « nos clients, les commerçants qui viennent chez nous des
autres wilaya, même du Sud, trouvaient dans ces mosquées un lieu de repos en
attendant de retourner chez eux. Certains refusent catégoriquement d'aller dans
un café ou restaurant quand on le leur propose ». Un entrepreneur chargé de la
réhabilitation de l'une de ces mosquées nous a confié, « j'ai entamé ce projet
par mes propres moyens financiers ; j'ai investi pas moins de 4 milliards de
centimes en attendant l'attribution des marchés. Quand cela s'est éternisé, j'ai
pris la décision de stopper les travaux ».
Signalons que
l'OGBEC (Office de gestion des biens et établissements culturels) est le maître
d'ouvrage délégué de ces projets, ainsi que ceux de la réhabilitation des
anciens hammams de la vieille ville. Une petite visite qui nous conduit à
travers les étroites ruelles des cités, Souika, El Batha, et Chott, a confirmé
l'absence de signes des travaux ou leur arrêt complet, tels le Bain Maure ou
Hammam Bentabbal et Hammam El Batha. Hammam Souika est dans un état lamentable,
des carreaux de faïences dégarnis, des murs déteints? Et ce qui vient compléter
le bal des déceptions, c'est la demeure des Ben Badis, qui est complètement
délaissée par, justement, un événement arabe par excellence. « Mon père a
acheté cette maison des Ben Badis », nous déclare El Hadja Bourtal Abla, non
sans fierté, ajoutant « je reconnais que le va-et-vient était incessant depuis
le démarrage des travaux de réhabilitation à l'ancienne ville. On m'a demandé
de quitter ma maison mais moi je n'ai nulle part où aller. On m'a promis comme
la plupart des habitants ici de me reloger, rien n'a été fait ». Donc pas de
projet de musée en vue et dans lequel on aurait pu exposer livres et manuscrits
et effets personnels de l'illustre Cheikh qui a fait rayonner sa chère ville
Constantine à travers le monde entier. En s'enfonçant encore et encore on est
dans un décor hitchcockien où l'image d'une ancienne ville que l'on voudrait
rendre comme par magie belle accueillante et hospitalière. Dans les bureaux de
L'OGBEC dans le Palais Ahmed Bey on nous a fait savoir à ce sujet, « nous
venons d'installer une commission des marchés qui est en train de lever
certaines réserves afin de régulariser la situation des bureaux d'études dans
les plus brefs délais ». D'ailleurs, nous a-t-on rappelé, les entrepreneurs ont
pris des marchés de gré à gré et ils se devaient de commencer avec leurs
propres fonds en attendant la régularisation des situations des travaux.