Assia Djebbar,
l'un des noms les plus connus de la littérature algérienne d'expression
française dans le monde, est décédée ce vendredi soir dans un hôpital parisien
des suites d'une longue maladie. L'annonce a été faite par sa famille alors que
des informations contradictoires ont commencé à circuler sur les réseaux
sociaux. Née Fatma-Zohra Imalayène à Cherchell, wilaya de Tipaza, le 30 juin
1936, Assia Djebbar est considérée comme l'un des intellectuels maghrébins les
plus influents et les plus traduits ( en 23 langues) et a écrit de nombreux
romans, poésies et essais ainsi que des pièces de théâtre. Elle a également
deux films, «La Nouba des Femmes du Mont Chenoua» en 1978, long-métrage qui lui
vaudra le Prix de la Critique internationale à la Biennale de Venise de 1979 et
un court-métrage «La Zerda ou les chants de l'oubli» en 1982. Elle naît dans
une famille de petite bourgeoisie traditionnelle algérienne amazighe et passe
son enfance à Mouzaïaville (Mitidja), étudie à l'école française puis dans une
école coranique privée. À partir de 10 ans, elle étudie au collège de Blida,
faute de pouvoir y apprendre l'arabe classique, elle commence à apprendre le
grec ancien, le latin et l'anglais. Elle obtient le baccalauréat en 1953 puis
entre au lycée Bugeaud d'Alger (actuel lycée Emir Abdelkader). En 1954, elle
intègre le lycée Fénelon (Paris) et une année plus tard, elle devient la
première algérienne et la première femme musulmane à intégrer l'École normale
supérieure de jeunes filles de Sèvres où elle choisit l'étude de l'Histoire. À
partir de 1956, elle décide de suivre le mot d'ordre de grève de l'UGEMA,
l'Union générale des Étudiants musulmans algériens, et ne passe pas ses
examens. C'est à cette occasion qu'elle écrira son premier roman, La Soif. Pour
ne pas choquer sa famille, elle adopte un nom de plume, Assia Djebar. Elle
épouse l'écrivain Walid Carn, pseudonyme de l'homme de théâtre Ahmed
Ould-Rouis. À partir de 1959, elle étudie et enseigne l'histoire moderne et
contemporaine du Maghreb à la Faculté des lettres de Rabat. En parallèle, aidée
par l'islamologue Louis Massignon, elle monte un projet de thèse sur Lella
Manoubia, une sainte matrone de Tunis. Le 1er juillet 1962, elle retourne en
Algérie où elle est nommée professeur à l'université d'Alger. Elle est le seul
professeur à dispenser des cours d'histoire moderne et contemporaine de
l'Algérie. L'enseignement en arabe littéraire est imposé, ce qu'elle refuse et
quitte alors l'Algérie. De 1966 à 1975, elle réside le plus souvent en France
et séjourne régulièrement en Algérie. Elle épouse en secondes noces Malek
Alloula. En 1999 elle soutient sa thèse à l'université Paul-Valéry Montpellier,
une thèse autobiographique, sur sa propre oeuvre : Le roman maghrébin
francophone, entre les langues et les cultures : Quarante ans d'un parcours :
Assia Djebar, 1957-1997. La même année, elle est élue membre de l'Académie
royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Depuis 2001, elle
enseigne au département d'études françaises de l'université de New York. Le 16
juin 2005, elle est élue au fauteuil de l'Académie française, succédant à
Georges Vedel, et y est reçue le 22 juin 2005. Elle est docteur honoris causa
des universités de Vienne (Autriche), de Concordia (Montréal), d'Osnabrück
(Allemagne). Auteur de plus d'une quinzaine d'œuvres entre romans, essais,
recueil de poésie ou de nouvelles, elle a reçu plusieurs distinctions et prix
littéraires comme le Prix Maurice Maeterlinck (Bruxelles), en 1995,
l'International Literary Neustadt Prize (États-Unis), une année plus tard, le
Prix Marguerite Yourcenar (Boston) en 1997 ou encore le Prix international
Pablo Neruda (Italie) en 2005. Assia Djebbar reste aussi la seule algérienne à
avoir été proche d'un Prix Nobel de littérature qui ne lui a jamais été octroyé
bien qu'elle ait été à plusieurs fois nominée.