On était tous rassemblés autour de la meïda; sur laquelle
trônait le grand tabssi batata avec beaucoup de sauce. El Khobz ouel ma.
Bismillah comme entrée et hamdoullah au dessert. J'avais sept ans à peine.
Voilà que la table ronde choisit comme thème, sans le vouloir, les
ressemblances des frères et soeurs. Dieu sait qu'on était nombreux. Les uns
étaient le papa tout craché d'autre la maman avec les yeux de la grand-mère.
Vint le tour d'une de mes sœurs, seule née en été. Elle était différente de
nous tous. J'étais le plus jeune, fraîchement scolarisé. Je lançais alors: «
Sûrement bent el maçon qui nous a fait les travaux! » et... jbaid! ma mère qui
m'envoie une gifle cinglante... Il m'a fallu bien des années, pour en saisir le
sens? je ne l'ai pas oubliée ! Ça me ramène à cet enfant de 8 ans, Ahmed, en
classe de CE2, qui a refusé la minute de silence imposée le lendemain de
l'attentat de ?Charlie Hebdo'. Galou belli gal « les musulmans ont bien fait et
les journalistes méritaient leur sort. » L'instituteur informe le directeur de
l'établissement qui porte plainte contre l'enfant pour «apologie du
terrorisme». Au point où je me demande si ce gosse était en classe de CE2 ou en
1re année de Sciences po! « L'enfant a été entendu pendant trente minutes, puis
fel commissariat, et , pendant l'audition de son père convoqué, car considéré
comme civilement responsable, il a joué insouciant avec des jouets, l'enfant ne
comprend pas ce qu'il a dit. On ne sait pas où il est allé chercher ses
propos.» C'est ce que rapporte le micro d'une télé, à travers la voix de madame
la directrice adjointe de la sécurité publique des Alpes-Maritimes, en France,
qui a auditionné ce dangereux individu de 8 ans. A ce train de lutte contre le
djihadisme, on va se mettre à chercher les prédispositions au terrorisme chez
l'enfant, au berceau. Et contrôler si sous les langes d'un bébé ne se cache pas
une ceinture explosive. Si les caricaturistes, lâchement tués, étaient encore
de notre monde, il auraient trouvé matière à déconner.