Le pétrole a plongé. Il plonge et il va encore plonger. L'ancien
Roi de La Mecque l'a décidé. Le nouveau Roi l'a confirmé en insistant un peu
plus dans sa politique d'ouverture des robinets. L'or noir continue de couler à
flots, et surtout à perte, dans le désert arabe et les premières victimes sont
nos cigales nationales qui auraient même fait pâlir de jalousie La Fontaine.
Chute des prix donc comme conséquences directes des premières mesures
d'austérité décidées par les hauts balcons de l'Algérie. Si la décision de
mettre la Fonction publique au chômage technique a été prise comme mesure
phare, le gouvernement s'est démené pour trouver les voies de fuite des budgets
de l'Etat. Ainsi, ni les voitures de luxe des directeurs d'entreprises
publiques ou d'administrations ni les dépenses fastueuses pour des colloques et
séminaires aussi inutiles que du shampoing sur la tête d'un chauve n'ont été
mises à l'index. Ni le train de vie des députés plus nombreux que les infractions
au code de la route ni le salaire des gestionnaires à six chiffres n'ont attiré
l'attention. Ni les enveloppes de projets creux, dépassés et mal réalisés ni
les missions à l'étranger octroyés pour les fils de et les amis de madame n'ont
appelé à une quelconque réflexion.
La solution est ailleurs. Elle réside, comme l'a rapporté
un quotidien arabophone, dans une instruction envoyée aux cantines scolaires
pour dégommer une quinzaine de noms de leurs listes. Les conseillers
gouvernementaux, les grands esprits de ce pays se sont réunis dans des grands
hôtels, ont fait appel à des bureaux d'études internationaux, pour décréter que
15 estomacs d'élèves qui mangent un midi froid et peu calorique sont
responsables des malheurs économiques de l'Algérie. Pour sauver le pays de la
faillite qui lui sourit, il faut impérativement arrêter de nourrir 15 élèves
dans chaque commune pauvre de l'Algérie des pauvres. La sentence est tombée et
le peuple peut applaudir. 15 enfants qui ont faim par petit bout de l'arrière-pays
alors que des ministres et des politiques se prélassent dans des résidences de
luxe, ailleurs, loin des hameaux miséreux de ce bled. Une mesure capable de
sauver l'Algérie du naufrage en attendant que Sa Majesté des Sables veuille
bien cesser d'inonder le monde de son pétrole infect. Ah, oui, l'autre mesure
prise par nos cerveaux certifiés ISO est la directive donnée aux
administrations d'utiliser les feuilles blanches en recto-verso. Ca ne
s'invente pas ! Et c'est également certifié ISO. La primeur est donnée à
l'économie du papier à l'heure du tout informatique. Quoi d'autre ? Rien et
tout pour rendre ce pays davantage insalubre qu'il ne l'est pour ces habitants
qui sont obligés d'y vivre faute de visa ou d'argent. N'est pas le fils de qui
veut et, en attendant, fermons toutes les cantines de l'Algérie et ouvrons des
restaurants classés, mais avec vitrines pour que l'élève puisse venir manger sa
faim avec ses yeux.