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Ahmed Sahnouni, né à Casablanca en 1970 et naturalisé français en février
2003, a été privé le 28 mai dernier de sa nationalité française par un décret
signé conjointement par Manuel Valls et son ministre de l'Intérieur, Bernard
Cazeneuve. Une décision contestée par son avocat devant le Conseil
constitutionnel, la plus haute instance juridictionnelle en France, qui a
pourtant validé, hier, la déchéance du présumé djihadiste, condamné pour
terrorisme, dans un contexte particulièrement sensible après les attentats de
Paris et surtout de crise diplomatique entre la France et le Maroc. Cette
mesure est prévue par le code civil pour les personnes ayant acquis la
nationalité française et condamnées notamment pour «un crime ou un délit
constituant un acte de terrorisme».
Elle est cependant interdite pour les personnes qu'elle aurait pour effet de les rendre apatrides. Condamné en mars 2013 à sept ans de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste», le Franco-marocain est libérable fin 2015. Lors d'une audition devant le Conseil constitutionnel, son avocat Nurettin Meseci avait plaidé le 13 janvier dernier la rupture d'égalité entre Français de naissance et Français naturalisés introduite, selon lui, par la disposition du code civil. L'avocat avait aussi critiqué la décision visant, selon lui, « à expulser son client vers le Maroc où il risque d'être condamné à 20 ans de prison» pour les mêmes faits. Pourtant, la déchéance devra être étendue à d'autres cas puisque le gouvernement socialiste compte l'utiliser dans l'éventail des outils de lutte contre le terrorisme. En effet, M. Valls avait jugé que la déchéance était légitime lorsqu'on «décide de s'en prendre à la Nation à laquelle on appartient, soit parce qu'on y est né, soit parce qu'elle vous a accueilli». Il rappellera que 28 expulsions administratives de djihadistes étrangers ont eu lieu ces trois dernières années. Pour les Français condamnés pour des actes de terrorisme, le gouvernement planche sur la peine d'indignité nationale proposée par l'UMP. La ministre française de la Justice, Christiane Taubira, reste néanmoins réticente à cette dernière. L'instauration de la peine d'indignité nationale prévoit la privation des droits civiques, civils et politiques pour les Français reconnus coupables d'actes terroristes. Une solution pour les Français qui ne peuvent se voir déchoir de leurs nationalités qui n'est possible que pour les binationaux. La décision du Conseil constitutionnel intervient sur fond de crise diplomatique aiguë entre Paris et Rabat depuis près d'un an, après des plaintes pour torture visant de hauts responsables marocains. Par ailleurs, et conséquences directes des attentats de Paris, 128 actes anti-musulmans ont été recensés en France (hors région parisienne) en deux semaines, soit presque autant que durant toute l'année 2014, a annoncé hier l'Observatoire national contre l'islamophobie. Un décompte qui prend appui sur les plaintes déposées auprès des services de sécurité, police et gendarmerie. 33 actes ont visé des mosquées et des salles de prière, 95 cas d'insultes ou de menaces ont été ainsi comptabilisés par l'Observatoire, une instance qui dépend du Conseil français du culte musulman (CFCM). Pour l'ensemble de l'année 2014, 133 actes anti-musulmans ont été répertoriés contre 226 en 2013, selon la même source. Des chiffres qui ne reflètent pas la réalité «car nombreux sont les musulmans qui ne souhaitent pas porter plainte systématiquement lorsqu'ils sont victimes d'actes xénophobes, convaincus qu'il n'y aura aucune suite», explique l'observatoire qui précise également que les «discriminations» ne sont pas prises en compte dans ce bilan. Le président de l'Observatoire, Abdallah Zekri, regrette le silence de la classe politique française en «dehors des condamnations» du gouvernement. |
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