L'Algérie a manifesté contre les caricatures offensantes de
Charlie Hebdo pour crier «Je suis Mohamed» en opposition au «Je suis Charlie»
imposé par Paris comme signe de ralliement à sa guerre au terrorisme. Contre le
terrorisme aussi. L'Algérie a protesté dans la retenue et la dignité pour dire
son refus à une surenchère douteuse élevée au panthéon de la liberté
d'expression. Cet entêtement suspect à insulter le Prophète et à travers lui
les deux milliards de musulmans de par le monde au nom d'un sacro-saint droit à
la liberté d'expression n'a d'égal que l'enlisement de l'Europe dans une
logique islamophobe où ceux qui se tournent vers La Mecque n'ont plus le droit
à une autre opinion. Les Algériens sont sortis dans la rue comme leurs
coreligionnaires pakistanais, philippins, turcs, jordaniens, pour essayer de
comprendre cet acharnement tout français à heurter la sensibilité de ses
ressortissants musulmans mais aussi à exporter cette haine au-delà de ses
frontières. Les Algériens, conscients de ne pas tomber dans le piège en
reproduisant l'image de ces islamistes hystériques, vociférant et appelant au
meurtre, passant en boucle à la Une des journaux télévisés occidentaux, ont
défilé dans le calme pour signifier leur refus face à ces caricatures
nauséabondes qui sont censées représenter la quintessence du droit à la liberté
d'expression à la sauce française. Car la liberté d'expression a deux visages.
Une portée aux nues, défendue par la République, celle qui stigmatise la communauté
musulmane, principale cible d'un journal satirique pyromane et de prétendus
intellectuels qui émargent à l'ambassade d'Israël à Paris. L'autre est
interdite, passible de prison, celle où il faut impérativement chanter la
Marseillaise, même si on ne la connaît pas ; où au sortir de la mosquée il faut
écrire sur son tapis de prière «Je suis Charlie» ; où sur scène, il ne faut
surtout pas caricaturer la douleur du peuple juif au risque de se voir accuser
d'antisémitisme. Car en France, comme dans les pays totalitaires, la pensée
unique est la seule qui est admise et la contradiction n'a plus sa place dans
la société. Une enseignante dans un centre de formation professionnel de
Bobigny a été mise à pied, ce jeudi, parce qu'elle a osé remettre en cause la
version officielle sur l'attentat de Charlie Hebdo lors d'un débat avec ses
élèves. Un jeune de 20 ans a pris six mois de prison ferme à Orléans pour avoir
crié «Vive la kalach!», en imitant le bruit et la gestuelle d'un tireur de
kalachnikov devant des policiers. Dieudonné est en prison après avoir posté sur
sa page Facebook un «Je suis Charlie Coulibaly» qu'il fallait prendre au
deuxième degré tout comme les caricatures de Charlie Hebdo. Pendant ce
temps-là, Philippe Tesson, un adepte du zemmourisme a dérapé sur les ondes
d'Europe 1 en tenant en direct des propos islamophobes. L'octogénaire a accusé
les musulmans de France d'être à l'origine de tous les problèmes de son pays.
«C'est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd'hui ? Il faut le
dire, quoi !». Cette dérive totalitaire de la France blanche judéo-chrétienne a
même surpris et inquiète les Américains inventeurs du patriot act que les
Français veulent copier. L'humoriste Jon Stewart se dit perdu face à
l'arrestation et au renvoi en correctionnelle, pour «apologie du terrorisme»,
de Dieudonné pour son post Facebook. «Arrêter quelqu'un pour avoir dit quelque
chose quelques jours après une manifestation de soutien à la liberté
d'expression c'est un peu bizarre». Dans un éditorial, le journal canadien
Globe and Mail accuse le gouvernement français d'avoir été trop loin: «Est-ce
que des adolescents provocateurs qui crient «Mort à Charlie» devraient vraiment
être détenus et condamnés pour des délits de terrorisme?». La France a choisi
son camp, et de l'autre côté des tranchées l'Islam et les Arabes.