Mémoire confisquée, mémoire occultée, mémoire blessée,
mémoire traumatisée, mémoire « amnésiée », mémoire colonisée par les
idéologies, par les clans, par les classes sociales et centres d'intérêts
divers et par la religiosité. Mémoire glorifiée, mémoire inventée, mémoire
exilée, mémoire mythifiée, etc. Où se situe-t-elle l'histoire dans ces mémoires
? A Force de s'auto-glorifier, la mémoire de notre histoire se vide de son
Histoire ! Le débat mené par Dr Saïd Sadi est légitime sur le plan politique,
mais pas sur le plan scientifique ! Il est légitime car si ces mémoires ne sont
pas transmises, le travail de l'historien ne pourra pas aboutir. C'est légitime
car briser les chaînes d'oppressions, d'ignorances, de peurs, de silences et
d'amnésies sont du rôle du politique. C'est à l'historien de concilier la
mémoire et l'histoire (instance de légitimité et instance critique), en
établissant la vérité, fût-ce en détruisant les légendes ! Les sociétés
attendent principalement de l'historien, de la connaissance du passé qu'elle
les instruise sur leur propre histoire, qu'elle fortifie le sentiment de leur
originalité, quand elle ne demande pas à l'histoire de la créer de toutes
pièces en entretenant des mythes fondateurs. Cependant, l'activité de la
production historique s'effectue à double secteur : le secteur principal, celui
de l'histoire savante, c'est la filière professionnelle : histoire
universitaire essentiellement et le secteur indépendant, qui comprend des
amateurs, des érudits et les membres des sociétés savantes, des représentants
du monde des éditions et surtout des médias. Les indépendants ont un poids dans
le marché des médias et une capacité à toucher de vastes audiences et à atteindre
le grand public que l'universitaire ne parvient pas à toucher !
L'ouverture d'une enquête judiciaire par le parquet d'Alger
risque d'ouvrir la boite de Pandore de l'Histoire de la guerre de libération
nationale. Sommes-nous capables de l'assumer, ce débat ? Sommes-nous en mesure
de nous remettre en question pour accepter la critique de notre histoire
nationale mythifiée ? La justice sera-t-elle en capacité d'aller au bout de ce
débat ? Les jours à venir nous le diront?