La mort du wali de Annaba, Mohamed Sandid, n'a pas fini de
remuer l'opinion publique, relayée pour une fois par une partie de la classe
politique. Louisa Hanoune, qui ne cache pas ses positions pro-Bouteflika, est
la première à monter au créneau pour demander une enquête sur les circonstances
de la mort du wali. La patronne du Parti des Travailleurs, coutumière des coups
de gueule médiatiques, on se rappelle de l'épisode de Sonatrach, a été suivie
par Djilali Sofiane de Jil Jadid qui s'est adressé, nommément, au vice-ministre
de la Défense nationale, chef d'état-major de l'ANP, le général major Gaïd
Salah, auquel il a demandé d'activer le DRS pour enquêter sur la mort de
Sandid. Abdellah Djaballah, le président du Front de la Justice et du
Développement, leur a emboîté le pas pour, lui aussi, exiger l'ouverture d'une
enquête «urgente» et «minutieuse». Pour ces trois-là, et pour beaucoup
d'autres, il ne fait aucun doute sur les raisons de cet infarctus mortel liées
aux pressions et intimidations exercées sur l'homme par ceux qu'on appelle
communément les barons de la région. La mort d'un commis de l'Etat est en soi
un événement, mais entourée de rumeurs galopantes et de vérités à peine
chuchotées, elle devient au centre d'un débat que beaucoup auraient aimé taire.
Parce que derrière le sacro-saint droit de réserve lié à la fonction, nombre de
hauts cadres de l'Etat sont soumis continuellement à des pressions venues d'en
haut, comprendre la capitale, pour favoriser untel, faciliter l'octroi d'un
projet à un autre. Un chantage au poste, si on veut, qui met le wali, entre
autres hauts fonctionnaires de l'Etat, devant un choix cornélien: se soumettre
ou risquer de déplaire à Alger et auquel cas, et dans le meilleur des cas, des
sanctions administratives ne sont pas à exclure. Cette vision n'est pas le
fruit de l'imaginaire populaire, mais bel et bien le tableau à peine croyable
dressé par l'ancien wali d'Oran et de Annaba, Frik Bachir. Dans une interview,
publiée hier par un quotidien arabophone, l'ex-wali revient sur la nature des
pressions subies par ses pairs à travers des injonctions pour favoriser
certains noms, des membres de la famille du demandeur, ou lui-même par le biais
de prête-noms pour l'octroi d'avantages accordés par les administrations
locales ou d'assiettes foncières dans le cadre du Calpiref et de terres
agricoles. L'intervention de Frik Bachir a le mérite de mettre noir sur blanc
ce que tout le monde soupçonne puisqu'il «évoque la collusion de la mafia locale
avec des responsables», pour obliger le wali à être aux ordres sous peine de
mutation, d'une mise à l'écart ou encore d'une procédure judiciaire. A propos
de la partie censée défendre les walis, il répondra que c'est au ministre de
l'Intérieur de le faire mais que dans certains cas, «c'est ce dernier qui doit
être protégé». Par ailleurs, et même s'ils sont parfois victimes, certains
walis sont également montrés d'un doigt pourfendeur par les administrés qui les
accusent de népotisme et de despotisme. Cet éclairage de l'intérieur renseigne
un peu plus sur la situation de l'Administration algérienne sujette à tous les
maux et du degré de corruption qui la ronge.