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Évoquer et
remonter le temps de l'époque nostalgique du temps de la ville d'El Asnam
(Chlef aujourd'hui) c'est revivre les moments pleins de plaisirs et de bonheur
de notre jeunesse, passée ici dans cette ville qui nous a vus grandir et vivre
à l'âge de l'insouciance. Les merveilleux souvenirs que je garde de ces jours
me rappellent les moments où il faisait bon de vivre à El Asnam.
A l'époque de cette date mémorable une virée pour moi en tant que chineur du souk local, tous les vendredis matin dans ce merveilleux rassemblement hebdomadaire de la ville était devenue coutumier et incontournable pour moi et c'était un réel plaisir que de sillonner ce grand marché traditionnel à ciel ouvert tôt le matin au milieu des marchandises fraîchement déposées. On y croisait de tout : de l'habillement, de l'alimentation, de l'outillage? etc. Des étals posés pêle-mêle à même le sol étaient présents dans une mêlée habituelle aux souks. On y trouvait tout ce que l'on cherchait : des poules de fermes, des œufs, des herbes médicinales, des produits artisanaux, des outils de fermes et tout cela dans un grand brouhaha continu et mélangé à de la poussière remontée par les pas perdus des visiteurs. Cette animation était accompagnée d'un grand vacarme de grincement des portes- voix des marchands faisant la réclame de leurs produits dans un grand bruit assourdissant. Les guérisseurs étaient également là comme tous les toujours. Vociférant et jurant sur la tête de leurs enfants sur l'efficacité de leurs préparations et lotions bizarres et douteuses, des remèdes contre le mal des hémorroïdes, le mal de dos et autres rhumatismes. Mais durant cette belle matinée ce jour là, mon attention fut plutôt attirée par ce grand cercle humain autour d'une personne habillée du costume traditionnel qui gesticulait et parlait à haute voix au milieu de cette foule qui l'écoutait attentivement et qui vantait ses mérites du savoir de guérisseur devant cet attroupement de curieux sur l'art et la manière de l'arrachage des dents sans douleurs. Alors curieusement j'ai pris place autour de ce cercle en simple spectateur, une façon de me divertir et de passer le temps. L'arracheur de dents, quant à lui, avait exhibé au milieu du cercle, sur une natte des produits médicamenteux et des centaines de dents cariées, molaires, canines, pour justifier et mettre à l'aise ses victimes et également prouver son expérience dans la maîtrise du métier. Je le regardais parler et je me disais que c'est le parfait menteur et qu'il ne déroge pas à la règle. C'est un artiste avec le talent du grand trompeur et sûrement qu'il va embobiner un de ces naïfs. Tout en exhibant son arme de travail le «koullèb», une pince d'extraction destinée à l'arrachage des dents, il n'arrêtait pas de parler et de débiter des mensonges aussi énormes que ses histoires à dormir debout. Il parlait parfaitement sans complexe avec une grande maitrise de son expérience dans le métier et jurait à qui pouvait le croire et l'entendre qu'il était plus efficace qu'un dentiste avec son anesthésie. Il jurait qu'il ne mentait pas et qu'il était très connu dans tous les souks de la région pour son travail sérieux tout en expliquant cet art ancestral traditionnel de l'arrachage des dents sans douleur. Il lança une invitation à une personne présente parmi la foule qui semblait souffrir d'une rage de dent. Il le pria de se rapprocher de lui. La personne était sûrement là sur recommandation pour une extraction dentaire. Le patient s'avança timidement au milieu du cercle, sous le regard des curieux qui étaient là. C'était un jeune homme maigre, une bouche à moitié édentée et qui semblait quelque peu nerveux. L'arracheur l'invita à se mettre à genoux et lui demanda de poser ses mains sur ses cuisses .Alors notre arracheur prit position debout derrière le patient et il lui prit la tête dans ses mains, renversée vers le haut, qu'il bloqua au milieu de ses deux genoux serrés tel un étau. Devant la bouche grande ouverte du patient, l'arracheur introduisit son «koullèb» dans la bouche du malade qui commençait déjà à paniquer. Notre arracheur lui lança alors en douceur : «matkhafch-sahbi !» (n'ai pas peur mon ami), avec un petit sourire malicieux et rassurant lui enjoignant de ne pas trop bouger et de rester calme. «tu parles !» Et pour le mettre en confiance, il lui a affirmé qu'il ne sentira rien in-challah et que se sera vite fait et sans douleur. Le visage en sueur et dans un grand effort, la poignée serrée sur la pince, il tenta un premier coup de déraciner la dent mais en vain, la dent semblait résister et bien accrocher à la gencive. Alors le patient qui ne pouvait plus supporter la douleur tenace, s'agrippa à la main de l'arracheur pour tenter de la retirer de sa bouche, mais en vain, l'arracheur tenait bon son «koullèb». Le mesquine affolé joignant ses deux mains ouvertes au hasard, comme s'il voulait se tenir à quelque chose comme un noyé, s'accrocha par dessus le seroual «loubia» (pantalon arabe) de l'arracheur de dents et s'agrippa aux roubignoles de ce dernier qu'il pressa si fortement que l'arracheur failli tomber à la renverse. L'arracheur sous la douleur qui le tenaillait et surpris se débattait comme un fou, il avait perdu son turban et affoler il le pria de lui lâcher ses «bijoux de famille» mais sans résultats. Sous la pression très forte des deux poignées, il cria rageusement à l'intention de son «agresseur» : «atlagueni yerham bouk !» Alors la victime la bouche dégoulinante de salive, une pince à moitié dans la bouche, les mains serrant les valseuses de l ?arracheur de dents, il lui marmonna dans un langage incompréhensible, mêlée à la douleur et à la peur : «atlag-ni-netalguak !» (tu me lâches, je te lâche!). Alors l'arracheur de dents étourdit et ne pouvant plus supporter la douleur sûrement atroce lâcha prise et tourna de l'œil et s'écroula sous l'étreinte douloureuse et tomba à la renverse évanoui. Notre ami le patient au mal de dents se releva et pris ses jambes à son coup et disparu au milieu de la foule. Au moment où plusieurs personnes essayaient de portes secours à l'arracheur de dents toujours évanoui sous le fou rire des présents. C'est vrai, les arracheurs de dents mentent comme ils respirent... il ne faut jamais les croire. |
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