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Abdelfattah
Hamadache, chef du mouvement salafiste de la Sahwa, ne draine pas grand monde
dans ses appels à manifester mais il est très présent médiatiquement, sur
Facebook comme dans les journaux. Il dénonce parfois des ministres, celle de
l'Education accusée d'être du «parti de la France» ou celui des Affaires
religieuses coupable d'avoir évoqué une possible réouverture des synagogues.
Ce pourfendeur de ceux qui ne sont pas dans sa «norme» connaît cependant les limites à ne pas dépasser dans les outrances. Il vient de les franchir en appelant au meurtre contre notre confrère Kamel Daoud. Ce «sinistre charlatan» comme l'a appelé l'éditeur Barzakh a, en un post sur Facebook, dressé les torts infinis de Kamel, l'a jugé et a fixé la sentence : la mort. Comble de l'ironie, ce «cheikh» demande à l'Etat algérien d'exécuter publiquement Kamel Daoud. Cette demande est, en soi, une insulte grave à la notion même d'Etat - sauf s'il fait référence à l'Etat du Daech - qui devrait déclencher immédiatement l'action publique. L'Etat devrait d'autant plus le faire qu'il devient, dans le discours de Hamadache, un argument de justification : «je n'ai pas appelé les musulmans à tuer Kamel Daoud mais demandé à l'Etat de le faire». Même si l'Etat algérien n'est pas dans le meilleur des états, une telle déclaration est une diffamation grave, un mépris total des institutions. Cet homme s'est déjà substitué à la justice, il a jugé, condamné et demande à ce que l'Etat exécute sa «sentence». Le pouvoir algérien est suspecté ces dernières semaines d'être tenté de rallumer les clivages des années 90 et de recréer les peurs qui ont annihilé la raison. Une manière, désastreuse, de sortir du débat politique pour aller vers l'exacerbation de clivages mortels. Ce serait grave. L'appel au meurtre du sieur Hamadache et les nombreuses réactions de colère qu'il suscite devraient dissuader tous ceux qui sont tentés de rejouer cette sinistre partition. Il faut défendre la liberté d'expression et de penser pour tous, sans exclusion. Mais il faut être totalement intransigeant à l'égard de ceux qui appellent au meurtre. Un appel au meurtre n'est pas une opinion, il relève du code pénal. C'est un crime. Il n'y a pas à discuter ou à débattre sur ce sujet. Il faut que la loi passe. Il n'y a pas non plus à discuter de l'islam ou des opinions de Kamel Daoud que l'on peut - c'est élémentaire - ne pas partager ou apprécier. Cela fausse les débats et brouille les cartes. Les croyants, par la raison et le cœur, ne peuvent accepter que le débat soit déplacé sur ce terrain. Ils ne peuvent concéder une quelconque autorité religieuse à ces individus car ils sont convaincus qu'une foi richement vécue nous rend meilleurs. Elle ne nous ramène pas vers les sinistres méandres d'esprits manifestement tordus qui s'arrogent, sans en avoir ni la compétence ni la hauteur morale, le droit de parler de la religion. Il n'y a pas matière à discuter de religion dans cette affaire. Ni des idées de Kamel Daoud. La seule vraie question est celle de l'Etat et de la loi. Ils sont tous les deux bafoués en profondeur quand un individu s'arroge le droit de juger et de condamner à mort un citoyen. C'est sur ce terrain citoyen que l'on doit se placer : un Etat défaillant devant ces outrances ne tardera pas à devenir un Etat failli. Et c'est bien là la pire des injustices? |
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