Sous le sceptre du palais Zighout Youcef, ça (re)parle
encore de mauvais sous. Aux frais de la princesse. Toute honte bue. Au même
moment, le garde-manger national est en grand danger. Même s'il est vrai que
tout n'est pas si noir dans un pays où l'or dit «noir» est une autre manière
d'apprendre à compter sur?l'autre, que deviendrions-nous si le liquide trop
précieux, puisé du fin fond de nos entrailles nouées, n'était plus convertible
cash en pain béni pour le commun des pétro-dépendants hypocondriaques, que nous
sommes tous devenus!? Nos «déclinologues», à nous, parient sur un épuisement
total de la matière fissile dans cinq lustres, au plus tard. Une réalité prise
par-dessus la jambe, dans un pays où le subconscient collectif croit toujours
que Dieu ne donna point la vie, si la Terre ne suffisait pas à nourrir
(jusqu'au rôt) ses milliards d' «occupants». Ici scénario-catastrophe raconté
en voix off sur le drame d'un douar dont les villageois ne moururent jamais de
faim, faute de pain frais. Par un jour sans lumière, Chalachou, en bon chef du
douar, fut informé par ses sbires, rusés comme des singes, d'une curieuse
maladie mentale qui rendit fous la moitié des villageois.
La raison, a-t-on écrit dans le bon dos de Chalachou,
serait l'eau du puits qui aurait été empoisonnée par une main venue de derrière
la montagne carrée. Inquiet pour la santé de la moitié de ses sujets,
Chalachou, en homme tutélaire du douar, réfléchit la tête chaude, à la solution
qu'il ne trouva point. Il décida alors d'un conseil de crise avec ses satrapes
de nervis. Ces derniers lui conseillèrent de tuer sur le champ la moitié des
habitants du douar pour éviter qu'ils ne contaminent l'autre moitié (restée
encore sage !) et se retrouver, donc, avec le scénario cauchemardesque d'un
village-fantôme. Horrifié à l'idée de sacrifier la moitié de ses congénères,
Chalachou passa de longues nuits blanches à gamberger sur le mauvais sort jeté
à son douar, pourtant si paisible, et si loin de tous les tourments
concupiscents de la civilisation du tout-manger. À l'aube d'une journée où il
tomba du ciel une pluie de pierres de couleur rouge sang, Chalachou, juché sur
la plus haute colline du douar, eut une idée si «éclairée» qu'il glaça le sang
à tous ses affidés anthropophages, réunis pour la «solution finale». Il réclama
d'abord une outre en peau de chameau remplie d'eau, puisée du puits qui rend
foldingue, avant d'en prendre lui-même deux gorgées bien fraîches sous le
regard tétanisé de ses sbires, sentant enfin le «dernier coup» se jouer sur
leurs grosses têtes, toutes couvertes d'un tissu blanc. Devenu comme fou,
Chalachou, le maître du douar, exigea de ses vizirs de boire, eux aussi, chacun
une tasse de l'eau empoisonnée. Devenus barjos à leur tour, ils jurèrent à
Chalachou loyauté et fidélité. Ce dernier, comme transporté par une sagesse
prophétique, demanda à ses conseillers «étêtés» de faire boire à satiété, -de
la même eau qui rend fou-, l'autre moitié du village, «en vertu du principe
sacré au pays de Chalachou, de l'égalité des petites gens devant les bons comme
devant les mauvais coups du sort», déclamera-t-il, assis en tailleur sur la
margelle du puits «habité». Ainsi, le douar de Chalachou retrouva sa quiétude
d'antan et se remit à (re) boire de son «eau bénite», en rêvant d'un monde, où
même les loosers peuvent fermer les yeux à jamais avec la main sur le
cœur?Ainsi aimait parler Chalachou au peuple des « ensuqués » ! ?