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A l'approche des vacances d'hiver, les annonces d'ouverture de lieux pour les cours de soutien sont placardées un peu partout même à l'entrée des mosquées. L'affichage alléchant parle de 100% de réussite aux futurs examens (?). Le phénomène des cours particuliers, enfle au fil des années, pour prendre des proportions démesurées, voire commerciales. Ce qui fait dire à une directrice de l'éducation «le phénomène constitue indéniablement une tâche noire sur le tableau de l'école Algérienne». Surtout que depuis une saison ou deux, ce sont les élèves, (ou leurs parents) du primaire qui se trouvent touchés par la contagion des cours particuliers «Impensable et c'est anti pédagogique» reconnaissent les pédagogues. En conclave à Boumerdès pour le séminaire national d'évaluation des examens, les inspecteurs de différents paliers et même un directeur central reconnaissent que le phénomène touche les 48 wilayas, et relèvent les dégâts engendrés par ces cours particuliers. «Aujourd'hui les élèves sont soumis à un véritable chantage de leurs enseignants qui les obligent insidieusement à venir chez eux prendre des cours, moyennant rétribution conséquente, précise un membre de la commission nationale des programmes», sous le sceau de l'anonymat. Un inspecteur de la matière artistique de l'intérieure du pays lance que «ce commerce est si florissant que des enseignants, se réservent durant les heures officielles, pour les cours particuliers» Nous nous sommes renseignés auprès de certains enseignants sur le prix de l'heure de maths. Petit calcul, le barème des cours enseignés à travers la wilaya de Boumerdès, est comme suit, l'heure de Maths est de 650 DA pour les lycéens préparant le BAC, 450 DA pour ceux du BEM et une fourchette variant entre 120 et 200 DA pour les cours de français et de maths pour «la 6e». La majorité de ces enseignants ont des classes de 10 à 30 élèves. L'année dernière, certains enseignants grévistes dans l'école public, n'ont eu aucun remord ni décence pour proposer à leurs élèves des cours de soutien, en ouvrant des classes un peu partout, caves, garages, chambres, qui ne répondaient à aucune norme pédagogique ou de sécurité, mais sans que cela n'émeut personne. A Thenia par exemple une trentaine de collégiens s'entasse dans un réduit de 28m2, à l'origine local commercial, sans aération, pire l'enseignant ferme la porte pour éviter d'être perturbé par les passants et les bruits des véhicules. A Tidjelabine des cours sont donnés à l'intérieur d'un F3, l'alerte soulevée par les voisins devant le va et vient d'une vingtaine d'élèves «Ils encombrent le hall chaque weekend, tôt le matin, sincèrement ils nous dérangent» selon un locataire de cet immeuble et d'ajouter «nous avons discuté avec le prof sur cette situation, mais sa réponse fut sans équivoque, je suis chez moi et je fais ce que je veux.» D'ailleurs précise notre interlocuteur «le prof nous a taxé de jaloux.» Nous nous contentons de ces deux exemples, car ces lieux qui ne répondent aucunement aux normes basiques pour la pratique éducative et pédagogique, pullulent à travers les 32 communes de Boumerdès. «Ces cours, ne relèvent plus de la pédagogie, mais du vulgaire mais néanmoins lucratif business qui a complément dévoyé la pratique scolaire», avoue un professeur du lycée de Thenia. Le phénomène est national et ce ne sont pas les dénonciations des pédagogues et autres psychologues sur les dangers d'une telle dérive qui vont freiner ce commerce. Devant l'ampleur prise par le phénomène, la tutelle du temps de Baba Ahmed a préparé un projet d'arrêté ministériel pour «mettre fin à une pratique qui a des conséquences négatives sur le cursus de l'élève». Dénonçant ces cours, la feuille de route relève que «l'élève devient passif et non actif, car ne fournissant aucun effort.» «Les cours particuliers ne sont qu'un bourrage de crâne. L'enseignant va jusqu'à gonfler les notes pour faire croire aux parents que leurs enfants font des progrès grâce aux cours particuliers», avons nous relevé dans le discours du ministre de l'époque, mais l'initiative encourageante et ayant eu l'adhésion des associations de parents d'élèves est restée sans suite après le départ de l'équipe de Baba Ahmed. Sentant que le danger perdure, Mme Nouria Benghebrit ,dans une lettre adressée aux directeurs de l'éducation avant la rentrée scolaire, a insisté sur le contrôle de ces cours ,tout en mettant en garde contre ce phénomène, elle appelle les directeurs à travers les 48 wilayas , à sensibiliser les parents à travers des conférences thématiques sur le danger de ce genre d'enseignement, la ministre insiste sur les conséquences négatives du phénomène qui fait perdre confiance à l'élève en ses capacités. Elargissant son intervention, la lettre de Mme Benghebrit précise que cette fonction parallèle porte atteinte à l'éthique de la profession ainsi qu'au principe de la gratuité pour tous et à celui de l'égalité des chances. A propos de la décision de la tutelle: l'avis d'un enseignant syndicaliste, cumulant plus de trente ans d'exercice «la ministre n'a pas à interdire les cours aux élèves des classes d'examen, car ces cours enseignés dans les normes leur sont d'un apport considérable». Pour d'autres enseignants, ils pointent du doigt le comportement de certains de leurs collègues dont «le souci est de se remplir les poches». Au cours d'une conférence à l'Université de Boumerdès, une psychologue est revenue sur les dégâts collatéraux des cours de soutiens ou intensifs, «des études ont démontré que l'enfant se prive de ses loisirs, car chevauchant sur les cours à l'école et les classes de soutien, cette pression sera fatale plus tard» conclut-elle. Le phénomène est autrement vu par certains parents qui estiment qu'envoyer son enfant suivre des cours particuliers est un signe d'aisance. De passage à Boumerdès dernièrement, Mme Benghebrit confirme que les cours de soutien destinés aux élèves des classes d'examen seront diffusés par la télévision à partir de janvier afin de permettre à tous les élèves d'avoir les mêmes chances de réussite. |
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