Tahar
Benbaibeche, Ali Benflis, Ahmed Benbitour et Adimi se sont relayés à la tribune
de la salle de fêtes ex- Chanzy à Oran pour dresser un sombre tableau de la
situation que traverse le pays. La rencontre a été organisée sous l'égide du
parti El-Fadjr que dirige Benbaibeche. Dans son discours il annonce d'entrée
que « le pays traverse une situation délicate », ajoutant que « nous ne
travaillons pas pour l'accès à la rente. Nous travaillons pour la restauration
de l'Etat contenu dans l'appel de Novembre ». Dans son développement il dira
que « l'Algérie se trouve devant deux perspectives. Seul le peuple peut
trancher entre ces deux alternatives ». Allant plus loin, il tonnera « toutes
les conditions sont réunies pour l'implosion du pays ». Il donnera quelques
chiffres illustrant la gravité de la situation. Se référant à des statistiques
européennes, il annonce que 26.000 Algériens se trouvent dans les prisons
européennes, que 20.000 autres ont demandé l'asile politique en l'espace de
deux ans et que 7% de la population algérienne vit en dehors de nos frontières.
Il finira en déclarant: «Nous réclamons des élections présidentielles
anticipées parce qu'il n'y a pas de président». Pour sa part, Ali Benflis, dont
le discours en langue arabe soignée a duré presque une heure, a abondé dans le
même sens. Auparavant, il fera part de sa conviction que « la crise est
structurelle » « crise du pouvoir personnel ». Ali Benflis ira jusqu'à affirmer
que le cas du pouvoir en Algérie est unique au monde en ces débuts de siècle.
Il reviendra longtemps sur la révision de la Constitution de 2008 qui a ouvert
la voie « à la présidence à vie » et même à « transmission du pouvoir ».
Analysant la situation, il aboutira à la conclusion du « blocage institutionnel
» à cause « de la concentration de tous les pouvoirs au niveau du président ».
Or, «le président est handicapé et démuni physiquement », tonnera-t-il. Pour
lui, la dernière sortie du pouvoir, concernant la révision constitutionnelle «
ne vise qu'à gagner du temps ». A ce sujet, Benflis s'est montré très
sarcastique concernant la lettre envoyée par Bouteflika à la rencontre des
experts africains des questions constitutionnelles tenue récemment à Alger où
la question de la révision de la Constitution a été remise sur le tapis. Il ira
jusqu'à s'interroger sur l'émetteur réel de cette missive et évoquera son
destinataire : des experts africains. Pour Benflis, la révision
constitutionnelle, annoncée depuis plus de trois ans, n'est pas une priorité
pour l'Algérie. « La révision de la Constitution doit être la dernière étape
d'un processus de changement » impliquant tous les pans de la société. Pour
lui, «le changement constitutionnel ne peut en aucun cas résoudre une crise
politique multidimensionnelle ». Les manifestations de cette crise,
notera-t-il, sont « la vacance du pouvoir » aggravée par « la panne totale des
institutions ». Pour ce, il réclame « la mise en place d'une commission
indépendante des élections » et le passage sans tarder à la « préparation des
présidentielles anticipées ».
Ahmed Benbitour
donnera des chiffres concernant l'exportation des hydrocarbures qui ont chuté
de 37%. Parallèlement, il indiquera qu'en 2013, les importations ont franchi la
barre fatidique des 73 milliards de dollars. Par rapport à ceux qui l'ont
précédé, il ajoutera comme condition de sortie de crise « la lutte contre le
fatalisme et l'indifférence chez les populations ». Et ce, par « l'élaboration
d'un programme fort de communication » avec de larges pans de la société. Il
plaidera aussi pour « le retour des compétences nationales se trouvant à
l'étranger » en mesure d'apporter son concours à l'œuvre de restauration
nationale. Pour lui, la prolifération de la corruption est un sérieux
indicateur de la déliquescence de l'Etat. Adimi, le dernier à prendre la
parole, a communiqué des chiffres se rapportant à la question sécuritaire du
pays. Il citera la revue El-Djeich, considérée comme le porte-parole de l'ANP
où la délicatesse de la situation du pays a été notée. Dans ce cadre, il dira
que « des groupes terroristes existent dans une vingtaine de wilayas du pays ».
Abondant dans le même sens, il se réfère à El Hamel, patron de la DGSN, qui
avait annoncé que ses services avaient recensé 9000 émeutes et manifestations
en 2011. « En 2013, nous sommes passés à 12.000 mouvements de protestations
populaires ». « Autant dire que le pays est au bord de la désobéissance
civile», conclut-il. Il parlera des quantités «industrielles » de kif qui
traversent les frontières. Sur un autre plan, il notera que l'absence de toute
vision prospective qui aurait pu nous éviter la situation prévalant
actuellement à nos frontières, est le résultat direct de la faiblesse des
institutions de l'Etat. Même pour lui, la solution consiste en un changement
vers la démocratie.