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Les experts
étaient sur les genoux, jeudi dernier à Vienne, à l'issue de la conférence
ministérielle des pays exportateurs de pétrole (Opep), qui a décidé de
pratiquement «ne rien faire» pour remonter les cours du brut, au plus bas
depuis des mois, à moins de 80 dollars le baril.
Image d'ailleurs caricaturale du puissant ministre saoudien du pétrole, Ali Al-Nouaïmi, qui, au sortir d'une réunion de cinq heures, avait déclaré en souriant à la presse : «C'est la bonne décision». En d'autres termes, ce qu'avaient appréhendé les experts et certains pays membres de l'organisation, dont le Venezuela, l'Algérie et l'Iran, s'est avéré juste, c'est-à-dire un maintien du plafond actuel de production à 30 millions de barils par jour alors que le marché est effondré par une baisse continue des cours depuis le début de l'automne. L'Arabie Saoudite, chef de file des pays favorables à un maintien du plafond de production actuel, mais qui a le plus grand quota de production (+ de 8 mbj), a donc pesé sur la décision finale, alors que le marché attendait un sursaut de l'Opep pour réduire son plafond de production, avec un contrôle plus rigoureux du respect des quotas par les pays membres. Il n'en fut rien et le marché a été le premier à réagir à cette débandade avec le Brent (brut de la mer du Nord) qui perdait trois dollars, revenant sous 75 dollars, au plus bas depuis septembre 2010. La baisse immédiate des cours fait suite à l'anticipation des marchés sur cette offre mondiale excédentaire pendant les mois à venir, au moins jusqu'au mois de juin prochain, date de la prochaine réunion de l'Opep. Quant au brut léger américain (light sweet crude), il reculait à 70,75 dollars, au plus bas depuis juin 2010. Le brut algérien, le Sahara Blend, valait environ 79-80 dollars/baril. Dans le fond, la décision de l'Opep, qui, en fait, applique la politique énergétique de Ryadh, est celle des pays du Golfe, Arabie Saoudite en tête, qui avaient clairement laissé entendre qu'ils étaient prêts à supporter une période prolongée de prix bas. Pour ces pays, réduire unilatéralement la production de l'organisation, qui représente un tiers de l'offre mondiale, serait prendre le risque d'abandonner des parts de marché à d'autres producteurs, notamment nord-américains, et la Russie, non membre de l'Opep, qui, elle, produit un peu plus de 10 mbj, soit 11% de la production mondiale, et qui ne prévoit pas de réduire sa production. ?'A contrario, le maintien des quotas actuels risque de déclencher une bataille pour les parts de marché'', estiment des experts, qui rappellent que les pays producteurs du Golfe ?'disposent de réserves de change qui leur permettent d'amortir l'impact d'une guerre des prix mais celle-ci sera sans nul doute plus douloureuse pour d'autres pays membres de l'organisation''. «Pour nous, cela veut dire que l'Arabie Saoudite tente de faire passer l'idée qu'il faut laisser les cours baisser à court terme, avec un plancher à 60 dollars le baril, afin d'avoir plus de stabilité dans les années à venir, à 80 dollars et plus», relève de son côté un consultant sur le marché américain. Il ajoute qu'en d'autres termes, ?'il est de l'intérêt de l'Opep de s'accommoder de prix plus bas pendant un certain temps pour ralentir le développement de projets (de schiste) aux Etats-Unis». Mais, cette situation, qui confirme la baisse continue des cours du brut depuis juin dernier sur le double effet d'une offre abondante avec la mise sur le marché du pétrole de schiste américain et un ralentissement de la croissance, et donc de la demande, en Europe et en Chine, a des conséquences très lourdes pour les petits producteurs de l'Opep. Pis, selon le secrétaire général de l'Opep, Abdoullah al Badri, l'organisation n'a «aucun objectif de cours», en réponse à une question sur le seuil de 100 dollars le baril qui serait le cours de référence idéal. Et comme une mauvaise nouvelle ne suffit pas, le communiqué final de la réunion de l'Opep ne fait pas mention de la nécessité, pour les pays membres, de respecter le plafond officiel de production de 30 millions de barils par jour (bpj). ALGERIE, LE GRAND STRESS S'il est un peu tôt de définir les effets de ce plongeon des cours du brut sur les recettes pétrolières de l'Algérie, il n'en demeure pas moins que les scénarios ont été déjà mis en œuvre, même si au sein du groupe Sonatrach, l'atmosphère n'est pas à l'inquiétude. Pour le moment. Selon le PDG par intérim du groupe pétrolier algérien, Saïd Sahnoune, les recettes ?'doivent rester autour de 60 milliards de dollars sous réserve (?) que la stabilisation des prix (de pétrole) intervienne''. ?'Sur les neuf premiers mois de 2014, nous avons produit 5% de plus par rapport à ce qui a été produit en 2013. Depuis trois à quatre années, c'est la première fois que nous arrivons à opérer une inversion de la tendance'', a-t-il souligné. Plus concrètement, le prix moyen du pétrole brut algérien était de 109,28 dollars entre janvier et juillet 2014 contre 107,68 dollars durant la même période en 2013. Mais la tendance s'est inversée depuis septembre, puisque la moyenne du prix du pétrole algérien a connu une baisse de plus de 3 dollars à 97,10 dollars le baril. Pour autant, ce qui préoccupe les experts, c'est que les recettes pétrolières de l'Algérie vont connaître une baisse drastique et partant, une réduction encore plus rapide de la fiscalité pétrolière budgétisée autant dans le budget général de l'Etat que pour le Fonds de régulation des recettes (FRR), constitué du différentiel entre le prix du brut pris en compte par la loi de finances 2014 (37 dollars/baril) et le prix du brut réel sur le marché. Cette stratégie a été mise en place par l'Algérie au lendemain du dernier choc pétrolier, où les cours avaient atteint l'abîme des 10 dollars/baril. Durant le 1er semestre 2014, les recettes de la fiscalité pétrolière se sont établies à 1.870 milliards de DA (près de 23,5 mds de dollars), en baisse de 10% par rapport à la même période de 2013 (2.086 milliards de DA), indique un bilan du ministère des Finances selon lequel 292 milliards de dinars ont été versés au FRR contre 470,3 Mds de DA en 2013, alors que sur les 1.870 Mds de DA, 1.577,7 Mds de dinars ont été versés au budget de l'Etat au titre de la même période, conformément aux prévisions de la loi de finances 2014. En clair, les recettes d'hydrocarbures de l'Algérie, qui ne produit pas plus de 1,250 MBJ, devraient être impactées d'une manière ou d'une autre par un surplus de production de brut sur le marché et des prix de moins de 70 dollars. Car, le prix réel du brut pourrait vite atteindre les niveaux du brut de référence servant de calcul à la loi de finances, c'est-à-dire les 37 dollars/baril. |
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