Deux pays membres de l'Opep, mais deux destins, deux
approches diamétralement opposées devant la dégringolade des prix du pétrole.
Les Emirats arabes unis ont fait savoir que la chute du baril ne constitue pas
une catastrophe pour le pays « dont les revenus pétroliers ne constituent que
30% du PIB national», dixit son ministre de l'Energie. L'Algérie, par contre,
étudie tous les scénarios catastrophes pouvant découler de ce recul des prix et
reste attentive aux soubresauts du marché. Les Emirats ont savamment orchestré
leur politique économique ces années d'embellie des prix du pétrole pour ne
plus dépendre uniquement de l'or noir. Une stratégie à long terme qui lui
permet, aujourd'hui, de composer avec cette crise en prenant assez de recul
puisque s'étant émancipés des fluctuations du marché pétrolier. L'Algérie,
ayant perdu de son influence au sein du Cartel, se retrouve dans une situation
où elle ne peut plus rien contrôler. L'Opep qui se réunit demain à Vienne pour
ce qui est annoncée comme sa plus importante réunion depuis des années,
décidera d'un ordre de bataille pour arrêter l'hémorragie des prix. Le ministre
de l'Energie, Youcef Yousfi, évoquera lui « une démarche consensuelle » dans le
but de dégager des solutions stables face à la chute des prix du pétrole.
Pourtant, le destin des pays membres de l'Organisation n'est apparemment plus
entre leurs mains puisque de nombreux paramètres exogènes influent directement
sur leur position. Si cette réunion aura pour objectif d'«étudier l'évolution
du marché» pour cerner «les déséquilibres qui ont provoqué cette chute des prix
», trouver un consensus et «rétablir l'équilibre du marché», les enjeux sont
ailleurs. Ils sont dans le deal américano-saoudien pour baisser les prix et
porter un sérieux coup à l'Iran et, par ricochet, à la Russie.
Moscou, devant la
perte de 35 dollars sur le baril depuis juin dernier, a proposé de réduire sa
production de près de 300.000 barils/jour si l'Opep décide d'en faire de même.
Pourtant l'Arabie saoudite, jalouse de ses parts de marché, pourrait s'opposer
à toute décision de réduction de la production de l'Organisation. C'est dire
que l'heure est à l'urgence et que le destin des pays membres ou pas du cartel
est étroitement lié même si les conséquences ne sont pas les mêmes pour tous.
L'exemple émirati tranche avec le cas algérien qui semble découvrir les vertus
de la diversification de l'économie nationale. Plusieurs ministres ont en effet
évoqué dernièrement ce changement de cap dans la stratégie économique nationale
en se penchant sur les vecteurs économiques qui puissent défaire l'exclusivité
de la rente pétrolière. La dernière sortie de Amara Benyounès, le ministre du
Commerce, qui a remis en question l'Accord d'association avec l'Union
européenne est un indice de plus dans cette prise de conscience des pouvoirs
publics quant à l'urgence de trouver d'autres sources de revenus autres que les
hydrocarbures. Benyounès reproche à l'Accord de ne pas promouvoir ses exportations
hors-hydrocarbures en direction de l'Europe, entre autres griefs. Ainsi, à
force d'acheter la paix sociale à coups de milliards de dollars, l'Algérie
risque de subir de plein fouet les retombées fiscales d'un tarissement des prix
qui lui coûtera forcément cher. Très cher.