Un pas important pour l'indemnisation des Algériens victimes de
répression durant la guerre de libération nationale a été franchi par une cour
d'appel française. Dans un arrêt qui fera date et nourrira bien entendu un vif
débat en France, la cour régionale des pensions militaires de Toulouse a donné
raison à un plaignant d'origine algérienne qui a demandé en 2010 à être
indemnisé après avoir été blessé par balle en 1960 à Mostaganem alors qu'il
avait 17 ans. La cour avait conclu donc que cet homme, dont le nom n'a pas été
divulgué, âgé aujourd'hui de 71 ans, est « en droit de réclamer une pension »
en application de la loi du 31 juillet 1963, même s'il n'a obtenu la
nationalité française qu'en 2005. « Cette décision fait jurisprudence car c'est
la première fois qu'une cour d'appel reconnaît que des personnes ayant été
victimes civiles d'attentats ou de violences pendant la guerre d'Algérie
peuvent bénéficier d'une pension, qu'elles soient françaises ou algériennes »,
a expliqué l'avocate du requérant, Me Jennifer Cambla. En fait, la cour
régionale des pensions militaires a considéré que les dispositions de la loi de
1963 qui réservaient le versement d'une pension aux seules victimes civiles de
nationalité française durant la guerre de libération nationale étaient «
incompatibles avec la convention européenne des droits de l'homme » qui exclut
notamment toute différence de traitement en raison de l'origine nationale de la
personne. En clair, le jugement de la cour de Toulouse offre la possibilité
pour toute personne, qu'elle soit algérienne en française à la date du 31
juillet 1963, de prétendre à une pension d'invalidité en tant que victime d'un
attentat ou de violences durant la guerre de libération nationale. Car jusqu'à
présent, n'était concerné que celui ou celle de nationalité française au moment
de la promulgation de cette loi du 31 juillet 1963 pour pouvoir bénéficier
d'une pension d'invalidité en tant que victime civile d'un attentat ou de
violences pendant la guerre de libération nationale (1954-1962). « La
différence de situation instaurée par cette loi entre des victimes civiles de
nationalité française ou algérienne ne justifie pas une différence de
traitement au regard de l'objet des pensions », écrit la cour d'appel de
Toulouse dans un arrêt rendu mercredi. Car en l'espèce, la cour d'appel de
Toulouse a tout simplement réformé le jugement prononcé en 2012 par le tribunal
départemental des pensions militaires qui avait rejeté le recours du plaignant,
qui était de nationalité algérienne au moment des faits. Cette même cour
d'appel de Toulouse a donné raison à la victime, estimant qu'elle était bien «
en droit de réclamer une pension ». Cet ancien Mostaganémois, qui vit en France
depuis 1963, avait demandé en 2010 à bénéficier de cette pension d'invalidité,
versée par le ministère français de la Défense. « Il est encore tôt » pour
mesurer les retombées de cette mesure, estime l'avocate de la victime, ajoutant
qu' « il est difficile d'évaluer l'étendue des conséquences de cette décision
». Pour autant, elle tempère ses propos en relevant que cette décision ne va
bénéficier qu'aux seules victimes de violences durant la guerre de libération
nationale qu'aux victimes, algériennes et françaises, qui résidaient sur le
territoire français. Car cela va éliminer de facto les centaines de milliers de
victimes algériennes ne résidant pas en France, mais victimes des militaires et
groupes paramilitaires français, dont l'organisation fasciste de l'OAS qui a
assassiné, torturé et mutilé des milliers d'Algériens et d'Algériennes entre
février 1961 à 1962. En France comme en Algérie. Les victimes algériennes de la
violence des forces armées françaises durant la guerre de libération nationale
sont nombreuses, la justice française ira-t-elle jusqu'à reconnaître les
exactions de son armée en Algérie? Peu évident, d'autant que le ministère
français de la Défense qui assure le paiement des pensions aux victimes
françaises de la violence armée entre 1954 et 1962, peut se pourvoir en
cassation contre cette décision, qui constitue « une avancée dans la
reconnaissance de la France des victimes algériennes de violence ». Ces
dernières peuvent désormais prétendre à une pension, qu'elles aient été
françaises ou algériennes à la date du 31 juillet 1963.