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Discrètement, comme il a vécu, il nous a quitté ce jeudi matin, sur la pointe des pieds. Son 60e anniversaire, il ne le fêtera pas avec les enfants qui l’ont tant ovationné.
Il revenait de Saïda poursuivant son périple artistique. Il se rendait à Blida dans un taxi collectif pour apporter de la joie aux jeunes bambins. Son alter-égo de scène Bouabida l’accompagnait dans ses pérégrinations à travers le territoire national pour animer le spectacle avec des tours de magie. Il était heureux la veille, de m’annoncer sa prochaine escale aux Journées cinématographiques de Mostaganem, qui débutent ce samedi. La route en a décidé autrement.… Quel destin paradoxal que celui des artistes, dans un pays où l’art est encore appréhendé avec une certaine condescendance ! Combien ont déserté les planches et les studios pour fuir une réalité amère, un quotidien délétère ? Nombreux, las d’attendre des jours meilleurs, ont fini par plonger dans la déprime. Chérif Hadjam, Hmimiche pour les intimes, n’a à aucun moment laissé ses ambitions se dégrader. Ce grand enfant au cœur généreux qui respirait la simplicité et la gentillesse, n’a jamais baissé les bras. L’amertume, la rancœur, le ressentiment, il les écartait d’un tour de bras, attendant vainement son heure. Animé par un désir irrépressible de communiquer, il était persuadé que le déclic salvateur au sein des arcannes culturelles est proche. Les artistes sortiront enfin de l’ornière dans laquelle on les a cantonnés. Il se refusait à croire que le naufrage culturel était profond. Hmimiche le chirugien-dentiste a dû, très tôt, faire un choix douloureux malgré les conseils de sa famille et de ses proches, en optant pour la scène théâtrale et pour le 7e art, dans un pays où les horloges artistiques tournent à l’envers. Parallèlement à ces études universitaires en dentisterie, il suit les cours au Conservatoire d’Oran et entre comme par effraction sur la scène, engoncé dans un énorme costume de clown qu’il baptisera H’Mimiche El Bahlawane pour le grand plaisir des enfants, un monde qui le fascine. Il activera au sein de la troupe de théâtre de la ville (le TAPCO). Fasciné par le rêve et la magie à l’origine des spectacles, Chérif ne pouvait s’empêcher de plonger sa tête dans les nuages et d’affronter l’éclat des lumières et l’attrait irrésistible des planches et des plateaux de tournage. Porté par sa passion, il se voyait, comme Aznavour, en haut de l’affiche. Son rêve, il y tenait solidement, malgré le quotidien sordide et les fins de mois douloureuses. Tous les enfants du pays le connaissent et l’accompagnent sur les paroles de Kadda Medjeded. Le clip enregistré est accessible via Google. L’artiste qui a rendu le sourire aux enfants cancéreux de Misserghin et qui a réalisé avec ses propres enfants une cassette disait : « avec les jeunes, c’est un réel plaisir pour qui sait les écouter, être attentionné à leur égard et affectueux avec eux ». Sous la direction de Kelle, il animera le spectacle de « La Camorra oranaise » en donnant plusieurs représentations. Il montera avec la compagnie professionnelle du théâtre du clin d’œil, « Clair-Obscur », un café théâtre, avec des tournées en Algérie et à l’étranger. Sous la direction de Jean Pierre Garnier, il fera un stage dans l’illustre Ecole Florent de Paris, où il affinera son talent tout en côtoyant de grands artistes. Mais, si le théâtre le passionnait, c’est dans le cinéma qu’il voulait faire carrière. Il collaborera avec Achour Kassaï (La Main d’une sorcière », Baba Aïssa (Sous les cendres), Houidek, M’Rah (La Rue des rêves », Benamar (Riad El Ahbab) et enfin Rachid Benallal (Ya Ouled). Sa présence singulière et forte dans ces productions de ses débuts va lui ouvrir les portes du 7e art algérien avant l’éclipse qui aura duré près de deux décennies. Pour l’étrange artiste qu’était Hadjem, pas question de se décourager ! Il touchera à tout. Il deviendra libraire tout en animant des diners dansants avec Sabah Essaghira, Fadila, Zinou, Mahmoud… L’animateur infatigable collaborera avec Radio Gazelle de Marseille et participera à de nombreux galas en France. « Je cherche encore », nous confiait à l’époque cet homme réservé adepte du travail et de la rigueur, « j’ai besoin qu’on me fasse confiance ». Son espoir : le réveil du monde artistique. Tous ceux qui l’ont connue ou qui l’ont approchée de près ou de loin, garderont de lui un souvenir impérissable. Il n’était pas seulement un artiste, il était aussi un homme de cœur que nous ne sommes pas prêts d’oublier. |
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