17
octobre 1961, une date algérienne, une excuse française. D'abord
algéro-algérienne puis algéro-française après une promesse électorale de
François Hollande alors en course pour l'Elysée, le 17 octobre cristallise à
lui seul cette relation ambiguë et passionnelle entre Paris et son ancienne
colonie. En 2012, Hollande honorait sa promesse et rendait hommage à la mémoire
des victimes du 17 octobre 1961. Pourtant la forme n'y est pas puisque c'est
par le biais d'un communiqué long de trois phrases qu'il reconnaîtra, même par
procuration, les faits longtemps tus par la propagande socialiste française et
que qualifiait, pudiquement, l'histoire officielle tricolore de «ratonnade». La
police de Papon, celui-là même qui s'est vu juger et condamner à dix ans de
prison par un tribunal tout ce qu'il y a de plus français pour avoir joué un
rôle dans la déportation des Juifs de Bordeaux, a pourchassé et massacré des
centaines d'Algériens dans les rues de Paris avant de les jeter dans la Seine.
Un épisode tout simplement zappé de la mémoire collective française avant que
Hollande ne le réhabilite. Si cette reconnaissance officielle a déchaîné les
passions exacerbées et exécrables de la droite et de son pendant idéologique
l'extrême droite nourries par les anciens de l'Algérie française, elle n'en
demeure pas moins un petit pas vers la repentance exigée par les Algériens. Un
petit pas sans conséquences si ce n'est le folklore cérémonial consacré à
l'événement. Pour autant faut-il se contenter d'un murmure d'excuses pas pour
132 ans de colonisation et de ses bienfaits mais pour une journée seulement.
Pour le 17 octobre 1961. Pas un jour de plus. Ni avant, ni après. C'est à
prendre ou à laisser. L'Algérie officielle qui avait tièdement accueilli «les
bonnes intentions» de la France semble aujourd'hui disposée à tourner
définitivement la page de la repentance, à en croire les derniers épisodes du
couple algéro-français. Pour Paris la socialiste, ces excuses publiques ne
valent que par leurs portées symboliques et n'engagent en rien la
responsabilité du Grand empire dans ce qu'a vécu l'Algérie depuis le
débarquement de Sidi Fredj. Un tour de force qui scelle la question mémorielle
longtemps pendante entre les deux capitales. Car, il faut le souligner, depuis
cette reconnaissance officielle, rien n'a été fait pour satisfaire les
exigences des Algériens quant à une repentance française qui apparemment ne
viendra jamais dans l'état actuel des choses et des gouvernements. Pire, c'est
Alger qui revient sur ses pas et qui ignore les inconditionnels de la
repentance. Le fameux discours de Bouteflika, à Sétif, à l'occasion de la
commémoration des massacres du 8 mai 1945, où il a appelé à en finir avec la
guerre des mémoires et de tourner la page, est pris en exemple par Paris pour
répondre à toute éventuelle demande de repentance. Proche de François Hollande,
Benjamin Stora, historien spécialiste de l'Algérie, et dans un entretien
accordé en mai 2012 au journal en ligne Mediapart, avait conseillé au nouveau président
français de jouer la carte de l'apaisement avec l'Algérie. L'historien estimait
que François Hollande doit faire des «gestes d'apaisement mémoriel» en
direction d'Alger. La reconnaissance officielle du 17 octobre 1961 doit
certainement faire partie de cette stratégie où la France a le plus à gagner.