Le juge parisien Marc Trévidic, en charge du dossier sur l'assassinat des
moines français de Tibhirine en 1996, est revenu ce jeudi sur l'annonce faite
début septembre dernier par le ministre de la Justice, Tayeb Louh, de donner
son feu vert à sa visite à Alger, dimanche et lundi prochains. Invité de France
Info dans le cadre de la promotion de son livre «Qui a peur du petit méchant
juge ?», le juge d'instruction au pôle antiterroriste du Tribunal de Grande
Instance de Paris s'est dit confiant, «je suis sûr que ça va bien se passer» et
soulagés, lui «et les familles qui avaient beaucoup de pression». Il soulignera
également l'aspect exceptionnel de cette visite la qualifiant de «moment
unique» pour la justice des deux pays qui «peuvent coopérer judiciairement sur
un dossier sensible», lui qui avait publiquement exprimé son impatience faute
d'invitation officielle. Le 9 juillet dernier, il déclarait, excédé, à la
presse française qu'«il va falloir savoir si on se moque de nous». Le juge
français ainsi que sa consœur Nathalie Poux arriveront donc demain en Algérie
accompagnés d'une équipe d'experts, dont les domaines de compétences n'ont pas
été rendus publics. Marc Trévidic précisera qu'il travaillera en coordination
avec la justice algérienne qui dispose aussi de son équipe d'experts. «Les
spécialistes des deux pays travailleront ensemble, le juge algérien chapeautera
et je serai présent», expliquera-t-il. «La procédure d'expertise et d'autopsie
sera assurée par des experts algériens», en présence du juge français, avait
précisé M. Louh. Le magistrat antiterroriste Marc Trévidic, qui enquête sur cet
assassinat, a dû reporter deux fois cette année cette visite, notamment faute
d'avoir reçu l'invitation officielle d'Alger. Il avait pourtant obtenu, en
novembre 2013, l'accord de principe des autorités algériennes pour assister à
l'exhumation des têtes des moines enterrées à Tibhirine, et à leur autopsie. De
son côté, le juge algérien en charge de ce dossier doit se rendre en France le
21 octobre certainement pour auditionner deux anciens membres des services
secrets français (DGSE) dans le cadre de cette enquête. L'information a été
révélée par un quotidien national qui a indiqué que l'Algérie avait délivré une
commission rogatoire internationale affirmant que la justice algérienne veut
entendre Pierre le Doaré, ancien chef d'antenne des services secrets français
(DGSE) à Alger (1994-1996), et Jean-Charles Marchiani, ancien officier du même
service et ex-préfet du Var. M. Marchiani, qui avait été chargé d'une mission
auprès du Groupe islamique armé (GIA), auteur du rapt des religieux, avait été
entendu fin mars 2012 par M. Trévidic. L'ancien préfet a confirmé au juge que
la mission avait été décidée par le président français Jacques Chirac pour
négocier une rançon, mais que le Premier ministre d'alors, Alain Juppé, qui
n'en avait pas été informé, y a mis fin, signant «l'arrêt de mort des moines»,
selon le témoignage de M. Marchiani, cité par le Parisien en avril. De son
côté, Pierre le Doaré avait reçu un émissaire du GIA dans les locaux de
l'ambassade de France à Alger, qui lui avait remis une preuve de vie des
religieux en captivité, selon plusieurs témoignages et documents versés au
dossier. Pour rappel, les sept moines avaient été enlevés dans la nuit du 26 au
27 mars 1996 dans leur monastère près de Médéa, un rapt revendiqué, à l'époque,
par le GIA (Groupe islamique armé), mais l'enquête française s'est aussi
orientée vers une possible bavure de l'armée algérienne.