Le pouvoir
algérien ou les détenteurs du pouvoir en Algérie ne s'embarrassent plus des
détails. En nommant un homme politi-que issu du pouvoir en place à la tête de
l'autorité de régulation de l'audiovisuel - une première dans les annales des
médias sur cette planète - le président de la République consacre sa « mainmise
» sur tout, dans ce pays. La fin du monopole de l'Etat sur les médias
audiovisuels, tel que décrété il y a quelques mois, ne garantit pas désormais
la liberté de communication audiovisuelle. En plaçant un responsable du RND à
la tête de l'autorité de régulation de l'audiovisuel, l'exécutif contrôle
désormais tout. Mais le plus grave c'est que toute la presse n'a vu que du
vent. La loi organique relative à l'information décrétée en janvier 2012, ne mentionne
nulle part qu'un homme politique, un homme d'affaires ou même un footballeur
n'a pas le droit de faire partie de l'autorité de régulation de l'audiovisuel
censée pourtant être le cœur de la régulation et du respect des règles
déontologiques. Contrairement à l'autorité de régulation de la presse écrite où
les règles et les conditions sont clairement définies, notamment dans les
articles 56 et 57, le code de l'information laisse un « vide juridique » qui
semble bien étudié pour ce qui est de l'autorité de régulation de
l'audiovisuel. Article 64 : Il est institué une autorité de régulation de
l'audiovisuel, autorité indépendante, jouissant de la personnalité morale et de
l'autonomie financière. Art. 65 : Les missions et les attributions de
l'autorité de régulation de l'audiovisuel ainsi que sa composition et son
fonctionnement sont fixés par la loi relative à l'activité audiovisuelle. Art.
66 : L'exercice de l'activité d'information en ligne est libre. Il est soumis,
aux fins d'enregistrement et de contrôle de véracité, au dépôt d'une
déclaration préalable par le directeur responsable de l'organe de presse en
ligne. Les modalités d'application du présent article sont fixées par voie
réglementaire. Voilà en tout et pour tout ce qui est prévu dans le chapitre
réservé à l'autorité de régulation de l'audiovisuel dans le code de
l'information, revu et corrigé, sans concertations des professionnels du
secteur. Alors que la nouvelle loi organique stipule clairement dans son
article 57 que « Les membres de l'autorité de régulation de la presse écrite
ainsi que les membres de leurs familles, ascendants, descendants premier degré,
ne peuvent ni directement, ni indirectement exercer des responsabilités, ni
détenir une participation dans une entreprise liée au secteur de l'information
», le législateur a laissé le champ libre à la composition de l'autorité de
régulation de l'audiovisuel au moment où ce secteur revêt une importance
capitale pour le pouvoir et l'exécutif pour cause de son influence sur
l'opinion publique. Il faut attendre le journal officiel N° 16 du 23 mars 2014
pour connaître les conditions qui fixent la nomination des membres de cette
autorité. L'article 61 est à cet effet très clair : « Le mandat de membre de
l'autorité de régulation de l'audiovisuel est incompatible avec tout mandat
électif, tout emploi public, toute activité professionnelle ou responsabilité
exécutive dans un parti politique, à l'exception des missions provisoires dans
l'enseignement supérieur et la supervision de la recherche scientifique »
est-il noté alors que l'article 64 stipule également sans équivoque que « le
membre de l'autorité de régulation de l'audiovisuel ne peut détenir,
directement ou indirectement, des intérêts dans une entreprise ayant pour objet
une activité audiovisuelle, de cinéma, d'édition, de presse, de publicité ou de
télécommunications ». En plaçant un parlementaire du RND, le pouvoir
transgresse les règles qu'il a lui même mises en place et cela n'est pas une
nouveauté en soi. C'est une violation caractérisée des lois de la République.
En réalité cette décision est à contre-courant de toutes les promesses
d'ouverture prônée lors de la campagne électorale qu'ont menée les proches de
Bouteflika. On est en fait devant le fait du prince. Avec la nomination de
Miloud Chorfi à la tête de cette autorité, le président de la République et son
exécutif consacrent le pouvoir absolu. Il n'existe désormais aucune limite ni
aucun contre-pouvoir dans ce pays. Les « quatre pouvoirs » sont neutralisés par
Bouteflika qui s'est même offert le luxe de mettre sous son autorité plusieurs
services relevant du Département des Renseignements et de la Sécurité (DRS)
alors que ce dernier a toujours été une sorte de dernier « rempart » pour
maintenir des équilibres fragilisés. En tous les cas, le ministre de la
Communication, Hamid Grine, a installé le responsable du RND à la tête de
l'autorité de régulation de l'audiovisuel. Une cérémonie était prévue à cet
effet au siège de l'APS à Alger. L'exécutif est désormais le maître absolu.