Le premier rapport
d'enquête rendu public hier à Bamako sur le crash du McDonnell Douglas MD-83
affrété à la compagnie espagnole Swiftair par Air Algérie le 24 juillet au Mali
n'a pas permis pour le moment d'expliquer l'accident.
C'est du moins la
lecture faite par le Bureau d'enquêtes et d'ana-lyses (BEA) français, chargé le
7 août dernier par les autorités maliennes de mener l'enquête technique sur
l'accident, qui explique qu'aucune «piste privilégiée» ne se dégage des
premiers résultats de l'enquête. Sitôt le dossier en main, le BEA avait indiqué
que l'avion avait été pulvérisé à son impact au sol après avoir perdu de la
vitesse et viré à gauche pour une raison indéterminée alors qu'il traversait
une zone orageuse. Ces premiers résultats laissent un goût d'inachevé
puisqu'ils n'ont même pas permis d'écarter la piste criminelle. «Rien ne peut
confirmer ou infirmer la piste terroriste», a tenu à souligner Bernard Boudeille,
un responsable du BEA présent dans la capitale malienne. Pour le moment les
seules certitudes résident dans les données techniques. Ainsi, selon le BEA, il
est impossible de comprendre les messages échangés entre les membres de
l'équipage du fait que l'enregistreur des conversations dans le cockpit (CVR)
ne fonctionnait pas normalement. M. Boudeille notera également que le vol AH
5017 a été victime d'une «chute brutale» se basant sur l'enregistreur des
données de vol et cette perte sèche d'altitude est due au «ralentissement de
ses moteurs» à son altitude de croisière. Le MD83 aurait ainsi mis trois
minutes pour tomber de plus de 30.000 pieds. Le rapport en question fait état
d'une déconnexion des systèmes de pilotage automatique du McDonnell Douglas
«sans qu'il soit possible de dire si cette déconnexion a résulté d'un
automatisme de l'avion ou d'une manœuvre volontaire ou involontaire de
l'équipage», a encore précisé l'expert français. Revenant sur l'équipage
espagnol aux commandes de l'appareil, le BEA estime, dans son rapport, que le
pilote ainsi que le co-pilote n'étaient pas fatigués et que l'équipage
disposait d'une expérience africaine, alors que plusieurs hypothèses avaient
circulé sur l'état physique de l'équipage ainsi que de son manque d'expérience
du ciel de l'ouest africain et de la manière d'aborder ses violents
cumulonimbus. Un élément aggravé dans cette région du globe où le contrôle
aérien n'est pas le plus performant au moins jusqu'à la frontière algérienne.
Rappelons que le vol AH 5017, qui devait relier Ouagadougou à Alger, s'est
écrasé dans le nord du Mali environ 32 minutes après son décollage avec 116
passagers, dont six Algériens, et membres d'équipage à son bord, qui ont tous
péri. L'épave du MD-83 a été retrouvée dans le nord du Mali, précisément près
du village de Boulekessi à cinquante kilomètres au nord de la frontière avec le
Burkina Faso. C'est un drone d'observation de l'armée de l'air française, un
Reaper, qui a localisé la zone de l'épave dans la région de Gossi. Paris, qui
n'excluait aucune hypothèse au crash, n'aura pas les réponses escomptées pour
l'instant même si la thèse de l'accident semble la plus privilégiée. Frédéric
Cuvillier, le ministre français des Transports, avait indiqué que les autorités
françaises écartaient «depuis le début la possibilité d'un tir depuis le sol,
hautement improbable, voire impossible». Bernard Cazeneuve, le ministre
français de l'Intérieur, déclarait pour sa part que «cet avion s'est abîmé pour
des raisons qui tenaient aux conditions météorologiques». Jean Serrat, ancien
commandant de bord et président du syndicat, confirmait également que
l'hypothèse météorologique est une éventualité probable expliquant que cette
saison de l'année est effectivement, du point de vue météo, la période la plus
dangereuse. «La température est à son maximum au sol et, avec ces courants
d'air chauds de l'humidité remonte de l'Atlantique, tout le long de la Côte
d'Ivoire», soulignait l'ancien pilote. Pour le criminologue Alain Bauer, expert
en sécurité et connaisseur de la sûreté aérienne, «le contexte de la météo
difficile dans le secteur traversé par l'avion rend l'hypothèse de l'accident
la plus plausible». L'équipage espagnol avait signalé à la tour de contrôle
qu'il changeait de direction en raison de conditions météorologiques
particulièrement difficiles. Le McDonnell qui s'est écrasé dans le nord du Mali
a été loué par la compagnie Air Algérie à Swiftair dans le cadre d'un contrat
de sous-traitance dit «ACMI». Une compagnie créée en 1986, spécialisée dans les
vols d'entreprises et la location de sa flotte estimée à une trentaine d'avions
dont les McDonnell MD-83, de 18 ans d'âge (167 sièges), mais aussi des Boeing
727 et 737-300, des Embraer 120 et Fairchild Metroliner. Ses clients sont
généralement des tours opérateurs et des compagnies aériennes. Elle n'avait
jamais connu un tel accident et l'avion crashé avait subi une révision générale
deux jours avant l'accident lors d'une escale à Marseille, selon le directeur
général de l'aviation, Patrick Gandil.