L'Otan et l'Europe ont forcé le ton lors de leur Sommet de Newport et
menacent d'intervenir en Ukraine. La Russie prévient qu'elle réagirait à la
menace. Sommes-nous, vraiment, au bord d'une troisième guerre mondiale ?
Le Sommet de l'Otan, tenu jeudi et vendredi, à Newport (Grande-Bretagne)
remet à l'ordre du jour le projet Atlantiste d'un isolement stratégique de la
Russie annoncé, dès 1993, par les USA et incorporé au calendrier de l'Otan,
lors du Sommet de Washington, de 1999. Il s'agit du programme de Défense
antimissile balistique de théâtre active multicouche (ALTBMD) qui fût approuvé,
lors du Sommet d'Istanbul, de 2004. Sa mise en place devait se faire en deux
temps : en 2014 et 2019 pour la mise en service. C'est dans ce sens qu'il faut
interpréter la décision de ce Sommet de Newport de mettre en place une « Force
de réaction rapide «dotée de 4.000 hommes, capable de se déployer et de
répondre aux mouvements de troupes russes qui seraient « suspectées » d'intentions
belligérantes, et pour le cas présent, traduire : « prêtes à intervenir en
Ukraine ». Cette force de réaction rapide se fera avec le soutien d'ex-pays de
pays du bloc soviétique, plus précisément la Pologne et la Tchéquie, annonce
l'Otan. Cela rappelle, curieusement, toute l'épopée du « Bouclier antimissile »
engagé par George W. Bush, entre 2004 et 2009. La tension était grande entre
les USA et la Russie, tant cette dernière avertissait qu'elle déploierait,
immédiatement son arsenal nucléaire stratégique en direction de l'Europe comme,
au temps de la guerre froide. La Russie dirigée, rappelons-le par le même
Vladimir Poutine, avait proposé aux Occidentaux (et l'Otan) la mise en place
d'un bouclier antimissile commun dans le Kazakhstan, puisque les Occidentaux
justifiaient leur projet de bouclier, par la menace iranienne. La tension
s'était apaisée avec l'arrivée de Barack Obama, au pouvoir, aux USA et le
projet de Bouclier antimissile gelé. Du coup, l'annonce faite, jeudi, à
Newport, de la mise en place de cette « force de réaction spéciale » munie d'un
armement stratégique ( missiles porteurs de têtes nucléaires, notamment)
résonne comme un retour à la case-départ, de 2004. N'ayant pas la mémoire
courte, le président russe a averti, par la voix du secrétaire adjoint du
Conseil de sécurité russe, « qu'il réagirait à la menace que constitue le
renforcement de la présence de l'Otan, aux frontières de la Russie et que la
Russie va réajuster sa doctrine militaire qui prendra en compte les nouvelles
menaces ». Dans ce nouvel affrontement Occident (Otan) ? Russie, la question
ukrainienne rappelle, à bien des égards, l'épisode de l'été 2008 et l'affaire
de l'Ossétie du sud où la Russie et la Georgie se sont engagées, dans une
guerre des « frontières ». On sait comment cela a fini : l'Ossétie du sud a
proclamé son indépendance, vis-à-vis de la Georgie, même si elle n'est reconnue
que par la seule Russie, en tant qu'Etat indépendant. Le parallèle est vite
fait avec l'Ukraine aujourd'hui. Après la Crimée, les régions de l'Est de
l'Ukraine iront-elles jusqu'à la sécession ? La situation semblait évoluer vers
un statu quo, jeudi, en fin de soirée : Vladimir Poutine et le président
ukrainien, Petro Porotchenko, ont annoncé un « cessez-le- feu » pour vendredi
et un plan de paix pour sortir de la crise. Ainsi, Vladimir Poutine aura réussi
un coup de maître : faire oublier, définitivement, l'annexion de la Crimée et
pousser Kiev à octroyer plus d'autonomie aux régions de l'Est de l'Ukraine. Il
sait, par ailleurs, que l'éventualité que l'Otan et l'Occident lui livrent,
ouvertement, une guerre est quasiment nulle, tant il est vrai qu'il dispose
d'une force de riposte adéquate (nouveaux missiles Iskander K ? RS ? 26)
pointée sur l'Europe. Dans ce jeu de positionnement stratégique entre la Russie
et les Occidentaux, menés par les USA, le coût des crises sera supporté,
d'abord par les pays qui bordent les frontières russes, pays utilisés comme des
pions, dans une partie d'échecs, entre la Russie et les USA. Les pays de l'Union
européenne qui affrontent, déjà, une crise financière structurelle, mettront du
temps à se relever de cette aventure. Sans aller jusqu'à user de ses capacités
militaires stratégiques, Vladimir Poutine dispose d'une arme beaucoup plus
redoutable contre l'Europe : le gaz. Et l'hiver approche. Seul un dialogue avec
la Russie pour une solution politique de la question ukrainienne évitera à
l'Europe une crise durable. Quant aux USA, pour qu'ils se réconcilient avec la
Russie, il leur faudra comprendre, un jour, qu'ils ne sont pas seuls sur cette
planète.