L'été arrive à sa date de péremption et les propriétaires
des plages, qui ont privatisé le sable et la mer, s'apprêtent à rendre le
soleil gratuit aux Algériens. Jamais été n'a été aussi pénible et cher que
celui qui s'en va, tournant son dos bronzé aux centaines de milliers
d'Algériens qui n'ont pas eu assez de sous pour fouler un sable devenu
inaccessible par la faute d'une faune qui s'est autoproclamée gardienne d'une
mer pourtant propriété générale. Un état de fait qui s'est imposé sous la
menace du gourdin et l'absence d'une force publique qui aurait dû être
convoquée pour rétablir l'ordre. La démission collective des responsables, élus
et fonctionnaires, a enfanté une prédation vorace qui prend exemple sur les
balcons de l'Algérie d'en haut. L'impunité, érigée en mode d'une gouvernance
clientéliste, a créé des monstres qui pour mille euros de plus n'hésitent pas à
vendre l'Algérie. Ceux qui sont derrière cet été pourri doivent être traduits
en justice pour homicide involontaire puisque, eux et ceux qui ont fermé les
yeux et encouragé cette privatisation de la mer sont responsables de ces
Algériens morts noyés dans les plages non surveillées. Une mer qui les a
avalés, mâchés et recrachés pour alimenter les cimetières de cette Algérie des
pauvres. Imposer une «dîme» à un pauvre père de famille avec quatre ou cinq
gosses à charge ou lui interdire l'accès, pourtant garanti par la Constitution,
d'une plage publique c'est le pousser à aller vers ces rivages bouffeurs de maillots
de bains. Des Algériens obligés, pour se rafraîchir, à braver l'interdit et
risquer d'être emportés par les courants. Quelqu'un doit payer à la fin et mon
propos ne concerne pas cet Algérien lambda qui habite l'arrière-cour de la
République et tant qu'un exemple ne défraye pas la chronique nationale, ce pays
après avoir été donné en concession aux étrangers sera tout simplement partagé
entre les plus forts. Ceux qui exhibent le plus de cousins dans les hautes
sphères auront la priorité sur les morceaux les plus convoités. Les autres
pourront toujours essayer de ne pas perdre leurs enfants dans le ventre de la
mer. Cet été, l'Algérie a découvert une nouvelle race de requins, chasseurs des
deux-pièces, vivant sur la terre ferme et priant dans les premiers rangs.
Prompts à écraser de leur semelle liberticide celui qui est en dessous. L'Etat
a regardé et laissé faire pour se payer le luxe d'une paix sociale sur le dos
d'un peuple à blanc. Maintenant que cet été est mort, que les plages ont fermé
et que les noyés ont été enterrés, restent les forêts et les espaces verts à
prendre en concession et imposer à l'Algérien de payer, un jour, pour marcher
sur les trottoirs de la République.