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Le
grand mufti d'Arabie Saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, a fait une découverte, le
Daech ou l'Etat islamique est un mouvement extrémiste, terroriste, criminel
intolérant, diviseur? Il a donc décidé de le condamner et de le pourfendre sur
le mode «classique» que ce ne sont pas des vrais musulmans mais des kharijites?
Littéralement ceux qui sont sortis de la communauté, les «premiers séditieux»,
ceux qui ne font plus partie de nous? Ils «n'ont rien avec l'Islam», a-t-il dit,
ils sont «l'ennemi numéro 1» des musulmans.
Le grand mufti s'est mis dans la «ligne». Depuis que le roi Abdallah d'Arabie Saoudite a critiqué le «silence et la paresse» des oulémas sur la menace du Daech, le mufti se rattrape. En reprenant le discours éculé du Daech ou Al-Qaïda qui seraient un «phénomène étranger (Gharib) à nos sociétés». Comme si les «idées» frustres et moyenâgeuses du Daech étaient tombées du ciel, comme si elles n'étaient pas le produit «fini» d'un travail, patient et fortement financé, des religieux saoudiens. Sur les réseaux sociaux, on a également cette tendance à «externaliser» le Daech, à le mettre sous le compte d'un «complot américain». On a même inventé des propos, faux et totalement farfelus, à Mme Hillary Clinton, disant que les Américains «ont créé Daech». Les Etats-Unis ont de lourdes responsabilités dans ce qui arrive à l'Irak et dans toute la région. Ils ont détruit un Etat, très imparfait, dissous une armée qui aurait été bien utile et ont ouvert un grand boulevard aux djihadistes qui, c'est le cas de le dire, étaient bien «étrangers» à l'Irak. Mais les idées du Daech ne sont pas venues de «l'étranger», elles n'ont pas été concoctées par la CIA. Elles sont diffusées continuellement par les religieux saoudiens et apparentés dont les visions étriquées ont été amplifiées par l'argent et les satellites. Ceux qui font le Daech n'avaient pas à inventer des «idées», elles sont servies depuis au moins trois décennies par l'Etat le plus riche du monde. Que cet Etat islamique s'installe entre l'Irak et la Syrie, n'est pas non plus étranger au soutien multiforme apporté aux djihadistes prenant le chemin de l'Irak et du Levant. Rien n'est étranger dans le Daech. Comme le souligne avec une noire et rageuse ironie, dans le journal électronique raialyoum.com, l'écrivain irakien Ali Al-Sarraf, Daech n'invente rien, il pratique à ciel ouvert ce que les régimes et les gouvernants font de manière discrète. Car on fait effectivement du Daech quand on combat de manière routinière et brutale les libertés, quand on refuse la citoyenneté, quand on méprise le savoir, quand on entretient la détestation des femmes dès l'enfance, quand on diffuse, méthodiquement à travers les médias satellitaires, la haine des chiites et des autres. «Chacun est Daech et tout un chacun est responsable de la Daichia», assène l'écrivain. Massacrer, tuer des innocents, écraser les femmes, persécuter des minorités, tout cela n'a rien d'étranger à ce qui se passe chez nous, sous les gouvernances autoritaires et violentes. La seule différence est que Daech ne se cache pas en le faisant, il tient au contraire à le diffuser. Il devient presque superflu de se questionner sur «l'utilité» de ce type de mouvement pour les ingérences étrangères, pour les jeux de l'Empire dans l'orchestration du chaos présumé créateur. C'est la vocation des Etats qui ont la puissance et la capacité de se projeter sur le long terme de profiter de toutes les situations et même de les créer sans se soucier du prix payé par les populations. «Celui dont la culture, le comportement et la barbarie sont les mêmes que ceux de Daech ferait preuve de la plus haute hypocrisie s'il lui jette la pierre», écrit Ali Al-Sarraf. Il serait en effet trop facile par une simple dénonciation du roi et du mufti d'absoudre l'Arabie Saoudite de son rôle hyper-négatif dans la fabrication de générations entières d'esprit borné et haineux. Le «Califat» n'a pas d'avenir mais le Daech est en nous. Il est semé et amplifié par les autoritarismes qui entravent l'évolution des sociétés. Le Daech est notre problème à tous. Et l'establishment religieux et le pouvoir saoudien font partie du problème. |
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