Alors comme ça, les mosquées font «salle comble» à Alger
après la «colère de Dieu» du 1er août dernier ! Parce que sans aucune autre
forme de profession de foi déclarée, le pays a changé de «religion», passant,
sans mouiller le... drapeau, de la main dans la poche à la main levée vers le
ciel. Dimanche encore, dès potron-minet, un homme d'un âge imprécis rentre dans
le bureau du chroniqueur et lui demande à s'inscrire pour aller faire don de sa
vie à Ghaza, la martyre; «parce que mes os sont en passe de se briser en mille
morceaux vu mon âge avancé, j'ai envie de partir là-bas pour me faire sauter et
emporter dans ma tombe dix, ou quinze ou vingt soldats israéliens», me
répond-il. Bouleversant ! Résultat «truqué» des courses: un BNB (bonheur
national brut) en chute libre et des pelotons d'algéro-sceptiques de plus en
plus râlants. Pourtant, selon une pseudo-étude qui jure ne pas nous conter
fleurette, il paraît que le parachute le plus doré au monde se trouverait bel
et bien sous nos cieux désemparés. Il est même offert en papier-cadeau à chaque
Algérien, de jour comme de nuit, du landau jusqu'au tombeau, de dimanche à
jeudi, le week-end (à nous) inclus. En franco-vernaculaire dans le texte, cela
veut dire que parmi tous les peuples de notre (dé) veine, l'Algérien est celui
qui ressemble le plus à son pays, l'Etat-mamelle tombant carrément dans les
bras ouverts du peuple-gamelle. L'autre preuve par nos propres yeux que le pays
a le coeur... trop à gauche est ce record imbattable du montant à dix chiffres,
consacré chaque année aux transferts dits «sociaux», selon le langage vachement
abscons des exégètes de la chose économique. Ces «lâchers d'argent», vus par
les œillères de nos gabegies, sont l'oseille «chipée» de la poche de ceux qui
triment la tête dans le cambouis, pour la déposer encore en suée dans la main
manucurée de tous ceux qui se prélassent sous l'imperméable de nos incuries
grandeur nature. Parce que si l'Algérien du juste milieu paye moins de quarante
dinars par jour (vécu) de loyer plus que modéré, l'Etat est malus et le bled
est bonus. On se noierait même dans une eau dessalée puisée de la mer de nos
gaucheries que c'est encore l'Etat qui tronque et le bled qui boit la tasse. Se
chauffer au dinar symbolique et s'éclairer (sans aucune lanterne) contre moins
qu'un kopeck, c'est toujours l'Etat qui se brûle les doigts et le bled qui se
dore sous le soleil le plus généreux de toutes les lumières. Aller à l'école
publique sur le dos bosselé du beylik pour apprendre que lire et écrire n'est
pas mieux qu'une bonne «affaire» de sous, c'est l'Etat qui refait ses classes
et le bled qui fait dans la sublimation percutante. Rouler carrosse avec un
carburant deux fois bon marché que de la flotte embouteillée, l'Etat fait
toujours du patinage... artistique, au moment où le bled roupille en
costard-pyjama sur un hamac en peau de mammouth. Travailler (ou aller
simplement au travail) pour quatorze foutues minutes par jour seulement (!),
c'est l'Etat qui va toujours chercher à la nage le blé au grand large et le
bled qui remercie l'immanence de manger par louchées entières du pain bénit.
Une histoire qui rappelle ce cauchemar «éveillé» vieux comme nos fatigues
éternelles celle de ce chef marin qui, pour éviter à sa felouque de sombrer
dans les fonds de l'océan, est obligé de jeter du lest jusqu'à ne laisser qu'un
seul matelot à bord. Mais lequel d'entre le maître à bord et le dernier des
matelots a le droit «naturel» de marcher sur le cadavre encore chaud de l'autre
? La réponse revient, surtout, à savoir lequel de l'Etat perdant-perdant ou du
bled gagnant-gagnant doit monter sur le dos de l'autre pour aller scier la
branche vermoulue sur laquelle est assis celui qui a le souffle le plus
court...