Où
va l'école algérienne ? That is
the question. Véritable chantier herculéen ouvert depuis
toujours, mais jamais fermé, la place de l'école dans le projet de société
(toujours en gestation) sera encore au centre des assises nationales de
l'éducation. Il en sortira quoi encore, même si la nouvelle ministre de
l'Education est créditée d'une compétence avérée dans le domaine. Ici
l'histoire de Chalachou d'une tragique vérité. Pas de quoi faire peur à un pays
qui a voulu rattraper le temps perdu en partant, la poitrine aux quatre vents,
à la chasse à la licorne avec pour seul bagage un cerf-volant « crevé ». Un peu
comme cet athlète tricheur qui, en voulant commencer la course trop vite et avant
les autres, termine très loin derrière la ligne rouge, sous les yeux enragés
d'une catin avec dans la main une faucille en guise de chrono. Chalachou a tout
juste l'âge de l'acné et il vient juste de décrocher son bachot avec mention «
rabais ». Sollicité par son père (très peu alphabétisé), Chalachou a un mal fou
à remplir un banal formulaire de demande de visa. Assommé par une telle «
hérésie», en plein dans le mois de toutes les colères, le père, qui, toute sa
vie durant, vida sa tête et ses poches en voulant remplir celle de son fils
indigne, réclame sans délai une authentification de la supposée attestation de
réussite attribuée à son cancre de rejeton. Tout juste moyen en arabe, un peu
moins bon en français, peut mieux faire en maths, faible en histoire-géo, sait
écrire mais à peine lire, le garçon paraît bien disposer d'une tête un tantinet
« pleine», faute d'une citrouille bien faite, se catastrophe son géniteur qui
regrette net d'avoir laissé le stylo prendre le large, sans jamais avoir réussi
à le rattraper. Mais pourquoi Chalachou est comme ce maître-nageur qui dispose
bien d'un diplôme en natation mais sans jamais avoir trempé dans une bassine de
toute sa triste vie ? Depuis le retour du soleil de la liberté sur le pays et
jusqu'aux générations « lobotomisées » de Benbouzid, l'Algérie consommait le
quart de son budget dans l'éducation et la formation pour se retrouver avec
près de dix millions d'analphabètes sur les bras, un demi-siècle plus tard.
Sauf qu'avec l'inquiétante dévalorisation du « bachot au rabais », la situation
apparaît comme une véritable bombe à retardement, quand on sait les
déperditions très importantes enregistrées dès la première année universitaire.
Malade de ses « réformes cobayes», l'Ecole algérienne et le système de formation
et d'enseignement en général n'apprennent quasiment plus rien à de vrais-faux
récipiendaires devenus de bien médiocres impétrants. Elle-même victime des
luttes idéologiques et politiques depuis l'ère de l'indépendance, l'Ecole
algérienne se retrouve aujourd'hui comme la première usine des recalés de la
vie. Au point que la première université algérienne se classe à la? 2.142ème
place sur douze mille établissements classés de par le monde. Si de nombreux
Algériens ont depuis longtemps fait le choix « cornélien » entre le cartable et
le pain, des générations entières se retrouvent aujourd'hui sacrifiées pour
avoir certes fréquenté l'école, mais pas celle qui vous apprend à devenir un
homme et de trouver sa place dans un monde où le non instruit ne doit pas avoir
sa place dans un enclos. L'onde de choc de l'enseignement au rabais pratiqué
depuis longtemps en Algérie se fait déjà ressentir avec la non-reconnaissance
des « papiers » délivrés par les universités algériennes, y compris dans des
pays qui ont commencé l'interminable course vers le monde « clos » du savoir et
de la connaissance bien après nous. La mission régalienne d'éduquer un peuple
et lui donner les moyens de faire face à un monde impitoyable pour les «
sans-lettres » est l'un des premiers éléments constitutifs de la souveraineté
d'un pays digne de ce nom. Au fait, qui a dit que, élevé à la rude école du
malheur, il y remportait tous les prix... ?