Une énième
bataille rangée, ayant opposé deux bandes rivales et au cours de laquelle des
armes blanches de différentes dimensions ont été utilisées, a encore
caractérisé, la soirée d'avant-hier, l'essentiel de l'ambiance du village
Fillaoucène, communément appelé «El Qaria», situé sur le territoire de la
municipalité de Bousfer, dans la daïra d'Aïn El Turck.
Les violents
affrontements sanglants entre de jeunes et moins jeunes délinquants, armés
jusqu'aux dents, auraient fait pâlir de jalousie les gladiateurs des arènes de
la Rome antique. Les témoignages unanimes des habitants, très inquiets de cette
montée de la violence, révèlent que le contrôle de certains points de vente de
drogue serait à l'origine de cette guerre des clans. Nos interlocuteurs
affirment également que la situation se dégrade de jour en jour dans leur lieu
de résidence et prend ainsi des proportions démesurées et ce, au fur et à
mesure que grossit le bidonville du lieudit « Oued Namousse », en référence à
la rivière longeant cette zone, située à la sortie Ouest du chef-lieu de ladite
daïra. Le ras-le-bol de la population de ce village, estimée à 7.300 âmes, qui
s'étend sur environ 400 hectares et a été inauguré en 1977 dans le cadre d'une
formule de résorption de l'habitat précaire, promulguée à l'époque de la
révolution agraire, s'est manifesté au lendemain de cette nuit agitée dans les
cafés et autres endroits publics où les discussions gravitent principalement
autour de ce sujet. « De nombreuses familles ont carrément bradé leurs
habitations pour fuir cette situation de déliquescence extrême, d'autres
s'apprêtent à les imiter et je figure parmi elles. Nous vivons dans la peur et
l'angoisse. Ma fille a été agressée le premier jour des épreuves du
baccalauréat, en se rendant tôt le matin au centre des examens dans la commune
d'Aïn El Turck. Ce malheureux état de fait est devenu courant dans notre
village où la badauderie est déconseillée à la tombée du soir », a déploré un
sexagénaire demeurant en ces lieux depuis près d'une vingtaine d'années, avant
de renchérir : « la mauvaise réputation de notre village a fait que nous
autres, habitants, qui souhaitons fuir ce climat malsain, trouvons
difficilement un acheteur pour nos maisons et quand c'est le cas nous la cédons
à un prix dérisoire ». Un autre responsable de famille a fait remarquer qu'il «
existe un cantonnement de la garde communale dans notre village où il était
prévu en principe l'installation d'une brigade de la Gendarmerie nationale.
Malheureusement, il semblerait que ce projet ait été renvoyé aux calendes
grecques au détriment de toute une population aux abois. Par le biais de nos
représentants de notre comité de quartier, nous avons adressé un nombre
indéterminé de requêtes aux autorités concernées, qui n'ont jamais été prises
en considération ». Toujours est-il que, selon les habitants qui se sont
exprimés en connaissance de cause du comportement de ces bandes de délinquants,
une expédition punitive par l'une ou l'autre partie en conflit, est à craindre
dans les heures ou les jours à venir et ce, notamment pour venger les blessés,
qui sont à déplorer à l'issue de cette sanglante bataille rangée. Cette triste
équation illustre parfaitement la déplorable situation dont est confrontée
l'ensemble de la population de ce village, comble de l'ironie, réputée à
vocation agropastorale où les rares agriculteurs des exploitations agricoles
collectives, EAC, envisagent d'abandonner ce qui reste de leurs lopins de terre
et ce, en raison de l'obstruction du lit de « Oued Namousse » par des déblais
provenant de constructions illicites, qui poussent comme des champignons. En
effet, l'eau de cette rivière était utilisée pour l'irrigation des cultures
maraîchères, qui ceinturaient jadis ce village, constitué lors de sa
réalisation de 150 habitations.