Le chef de la
diplomatie française, Laurent Fabius, est attendu aujourd'hui à Alger pour une
visite de 48 heures qualifiée par le Quai d'Orsay de « très importante » après
celle de Jean-Yves Le Drian, au cours de laquelle il rencontrera, outre son
homologue Ramtane Lamamra, le ministre de l'Industrie et des Mines, Abdessalem
Bouchouareb, et le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Il sera fort
probablement reçu par le président Bouteflika. Dans les bagages du ministre
français des Affaires étrangères, une délégation d'une vingtaine d'hommes
d'affaires et de chefs des grands groupes français, à l'image de Total,
Renault, Airbus, Vinci et Lactalis pour un séjour éminemment économique. Depuis
que la France a perdu son statut de premier investisseur en Algérie au profit
de la Chine, Paris tente de retrouver sa place. Outre les traditionnels
dossiers bilatéraux concernant la coopération économique et les projets
d'investissement, pour faire le point sur les accords de coopération signés
lors du Comité mixte économique France-Algérie (Comefa) de novembre 2013 et des
rencontres algéro-françaises en décembre 2013, les questions internationales
seront également au menu, à l'image de la situation sécuritaire dans la région
du Sahel et plus particulièrement au Mali et la Libye. Rien de spécial au
programme si ce n'est la lancinante histoire du gaz de schiste qui commence à
sérieusement inquiéter les Algériens. L'Elysée ne confirme pas la priorité d'un
tel dossier dans la visite de Laurent Fabius, partisan de cette ressource
énergétique, qui avait révélé la signature imminente d'un partenariat avec
l'Algérie fin 2012. Une annonce qui trouve tout son intérêt après la décision
de Bouteflika, le 21 mai dernier, de donner son feu vert à l'exploitation des
gaz et huile de schiste en Algérie. Un article critique et affirmatif du Nouvel
Observateur, du 23 mai dernier, revenait sur le dossier. Selon le quotidien
français « des groupes français seraient en effet en mesure de réaliser très
prochainement des recherches sur le territoire algérien concernant les méthodes
d'exploitation du fameux gaz ». Une alternative à la levée de boucliers en
France de la part des ONG et des associations de protection de l'environnement
qui s'opposent au gaz de schiste sur son territoire. Ces expérimentations ont
pour objectif de trouver des alternatives «propres» à la technique de la
fracturation hydraulique, une injection d'eau et de solvants sous très haute
pression accusée de détruire l'environnement et de vider les nappes
phréatiques. Sur le plan pratique, GDF Suez se dit être sur les rangs et «
étudie la possibilité » de se lancer dans la prospection d'hydrocarbures de
schiste en Algérie qui fait partie des six pays qui intéressent le géant
énergétique français avec l'Allemagne, la Pologne, le Brésil, la Chine et la
Grande-Bretagne, où le groupe a déjà annoncé avoir acquis 13 licences
d'exploitation. Le sous-sol algérien renferme le troisième gisement de gaz de
schiste mondial, avec 707 trillions de mètres cubes, après la Chine (1.115
trillions de m3) et l'Argentine (802 trillions de m3). Sept bassins potentiels
ont été identifiés, dans le sud saharien : Tindouf, Reggane, Timimoun, Ahnet,
Mouydir, Ghadames Berkine et Illizi. Pourtant, nombre de questions et de
critiques entourent ce dossier et plus particulièrement la protection de
l'environnement et surtout la disponibilité de la nappe phréatique dans ces
régions arides, surtout si l'Algérie compte produire 60 milliards de m3 par an,
soit 12.000 puits à forer sur une durée de 50 ans. Si tout semble s'imbriquer
entre les deux pays, des questions en suspens seront peut-être au rendez-vous,
comme cette note interne française qui déconseille toujours à ses
ressortissants de se déplacer au sud, à l'est et dans certaines zones du
nord-est de l'Algérie en raison de la persistance du danger terroriste.
L'autre sujet
hypothétique à soulever est celui de Zair Kedadouche, le diplomate français
d'origine algérienne qui a démissionné, selon lui, en raison de la
discrimination dont il a fait l'objet par le Quai d'Orsay. Si la question est
profondément franco-française, il n'empêche qu'Alger doit se pencher sur les
propos qualifiés d'ambigus du porte-parole du Quai d'Orsay, Romain Nadal, qui a
déclaré que « Monsieur Kedadouche s'est exprimé dans tous les médias, y compris
la presse algérienne. Cette opération n'est pas née du Saint Esprit ». L'un des
conseillers à l'Elysée de l'ancien président français, Nicolas Sarkozy, Dahmane
Abderrahmane, à la tête d'un comité de soutien à Zair Kedadouche, affirme, dans
une déclaration à un quotidien algérien, ne pas comprendre le silence des
autorités algériennes face à cette « injustice ». Il dénonce justement les
propos tenus par M. Nadal qui, selon lui, mettent en cause l'Algérie. Il dira
que M. Kedadouche a été discriminé, d'abord pour ses origines algériennes, mais
aussi, parce qu'il est considéré comme un agent de l'Algérie.