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La République Islamique d'Iran commémore le 25ème anniversaire de la mort
de son fondateur dans une conjoncture où sa raison d'Etat s'entremêle avec de
lourdes problématiques et ses intérêts géostratégiques se confondent avec
plusieurs zones de tensions dans le monde.
Il y a 25 ans, décédait l'Imam Ruhallah al-Musavi Khomeiny à Téhéran laissant derrière lui un héritage que les Iraniens peinent à en sauvegarder la profondeur et la «sacralité» face à un monde qui les regarde avec plus de méfiance et de crainte que de reconnaissance. L'occasion est toute donnée pour rappeler et débattre dans tous les coins de l'Iran de «la philosophie» avec laquelle l'Imam Khomeiny a, selon ses adeptes, «allié les perturbations et les tentations de l'âme à la sagesse et la droiture de la raison». Les organisateurs de cet événement ont tenu à lui accorder une importance toute particulière en le faisant coïncider avec des dates marquantes de la famille de l'Imam Ali Ibn Abi Taleb, leur référence islamique absolue. Le souvenir du rite chiite doit selon eux, demeurer intact et ce «quelles que soient les pressions de l'Occident». L'événement est aussi organisé, avec la précieuse collaboration de plusieurs professeurs libanais, en général tous enseignants dans les universités de France. La participation des Irakiens à ces cérémonies, est fortement remarquée. Des conférences sont animées un peu partout par les grands théologiens iraniens. L'un des thèmes phares débattus est tiré des principes de l'Imam Khomeiny, entre autres «l'interdiction à la Nation iranienne de se doter de l'arme nucléaire». Thème de l'heure par excellence, bien qu'il est initié pour rappeler «les tiraillements de l'âme et de la raison selon la vision de l'Imam», il sera plutôt dirigé, notamment dans les coulisses des salles de conférence, vers ce que pourraient apporter les négociations entre l'Iran et les puissances occidentales sur ce lourd dossier. «Pourquoi avoir l'arme nucléaire ?», interroge un politique iranien pour répondre de suite «on ne peut même pas l'utiliser parce que si on le fait, on est détruit par les Etats-Unis et les pays qui la détiennent, notre Imam n'a jamais pensé à ça, il la refuse aussi parce qu'elle détruit l'humanité». Le propos est peut-être simple mais il résume quelque part les raisons avancées par les dirigeants iraniens pour convaincre les Occidentaux de leur bonne foi, à savoir que leur pays ne fabriquera pas l'arme destructrice mais qu'il défendra avec toutes les forces qu'il a, son droit à l'utilisation pacifique du nucléaire. TEHERAN ACCUSE «D'ETRE PARTOUT» Des politiques iraniens témoignent que si l'ex-président Ahmedinejad était à ce sujet, dur dans ses propos, voire menaçant, il a cependant contribué largement à la pose d'arguments solides pour relancer les négociations et leur prévoir une bonne issue. Classé réformateur, celui qui l'a remplacé semble s'orienter vers plus de flexibilité en plaidant en faveur d'un dialogue soutenu sur tout ce qui place l'Iran d'un côté et le reste du monde d'un autre. Il le fera assurément avec l'aval du guide suprême, Ali Khamenei qu'on dit intransigeant vis-à-vis de l'Occident. Ceci étant, ce ne sont pas les dossiers qui manquent tant Téhéran est accusé «d'être partout». Hassan Ruhani est présenté par beaucoup d'Iraniens comme étant le premier président iranien à tenir à déployer tous les efforts pour faire de l'Iran «une partie de la solution et non une partie du problème». L'approche est cependant vite inversée quand il s'agit d'évoquer la situation en Syrie, au Liban, en Afghanistan, en Irak et autres régions en feu comme la Palestine occupée. L'Iran est ainsi vu plus comme partie du problème. De telles accusations ne sont ni nuancées ni détournées mais claires et directes. «L'Iran finance tous les mouvements islamistes des plus radicaux aux plus sournois (politiques), jusqu'aux réseaux dormants, soutient le terrorisme et contribue à la déflagration de beaucoup de pays arabes et musulmans», soutiennent de nombreux Etats, entre autres les pays du Golfe avec lesquels Téhéran n'est pas en odeur de sainteté. «LE PARI» DE HASSAN RUHANI Ce qui n'empêchera pas Hassan Ruhani et même les Iraniens dans leur grande majorité, de vouloir briser les chaînes d'un embargo décrété et imposé par les Etats-Unis et qui dure depuis 35 longues années. «Nous sommes prêts à tout négocier», affirme un politique. Ruhani parie de réussir dans sa quête de la «réconciliation avec le diable». D'ailleurs, alors que la nation iranienne commémore la mort de l'Imam Khomeiny, les politiques du pays regardent vers d'autres horizons en recevant, lundi dernier, l'émir du Koweït. La visite est un important événement. Première dans l'histoire de l'Iran, en tout cas, depuis l'instauration de la république islamique, tous les observateurs et analystes tentent d'en décrypter le sens, les visées, les objectifs ainsi que les conséquences. Les invités aux cérémonies de la célébration du 25ème anniversaire de l'Imam ont été déçus de ne pas rencontrer le président de la République iranien et son ministre des Affaires étrangères comme prévu et annoncé par les organisateurs. Tout a été annulé en raison de l'affairement des dirigeants iraniens à recevoir l'émir du Koweït et sa délégation. Il faut croire que les temps dans cette partie du monde ont bien changé. L'émir du Koweït est venu certainement pour plaider la cause de ses voisins, les pays du Golfe avec à leur tête l'Arabie Saoudite en conflit sournois avec Téhéran. Il y a encore un élément important qui s'ajoute à ce puzzle géostratégique complexe et compliqué, l'invitation adressée par le MAE saoudien à son homologue iranien pour assister aux travaux de la conférence islamique. Les deux faits sont inédits. ALGER, ENTRE TEHERAN ET ANKARA D'autant que les politiques affirment que «jamais les relations entre l'Iran et les pays du Golfe n'ont été aussi tendues que ces 30 dernières années». L'émir du Koweït serait aussi venu pour, pensent des analystes, proposer leur médiation dans le dossier syrien. L'on s'attend ici aussi dans les prochains jours à la visite de dirigeants du Sultanat d'Oman... C'est dire que ce qui est mis aujourd'hui sur la table des politiques de la région est d'une sensibilité et complexité tellement lourde que le reste du monde ne peut et ne doit qu'y être attentif. L'on rappelle que dans tout ce magma politico-stratégique, l'Algérie a tenté la semaine dernière un bon coup de poker «diplomatique» en conviant chez elle les ministres des pays non alignés aux côtés de ceux des 77 qui sont aujourd'hui 120. Bien que les moyens de renverser les équilibres ou juste de les faire bouger, sont légers face aux mastodontes du jeu géostratégique et du partage du monde, ces pays pourraient peser de par leur nombre d'abord, ne serait-ce que pour insister sur la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. L'on aimerait croire que le mouvement des non-alignés est réveillé par Alger. Les discussions entre le MAE algérien et ses homologues, en particulier iranien et turc, pourraient mettre les jalons de son redéploiement après de longues années d'inertie. Ceci, même si Alger sait que ces deux pays - l'Iran et la Turquie - se livrent à un duel implacable aux fins de se forger une place de leadership pour être les maîtres du monde arabo-musulman. |
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