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L'accord donné par le président de la République, M. Abdelaziz
Bouteflika, au lancement des opérations d'exploration du gaz de schiste ne doit
pas être interprété comme un feu vert à l'exploitation immédiate, mais comme
une phase d'évaluation du potentiel non conventionnel en Algérie, estiment des
experts et des responsables interrogés par l'APS. Pour l'ancien PDG de la
Sonatrach, Abdelmadjid Attar, le programme de 11 forages de gaz de schiste
approuvé par le Conseil des ministres «correspond à une autorisation destinée à
la Sonatrach pour mener une simple campagne d'évaluation technique et
financière des possibilités de produire ou non ce fameux gaz». Selon lui, il
fallait un accord du Conseil des ministres à l'appel à la concurrence
international lancé dernièrement par l'Agence nationale pour la valorisation
des ressources en hydrocarbures (Alnaft) en vue de trouver des partenaires en
mesure de mener avec Sonatrach des travaux de recherche de façon générale, y
compris des hydrocarbures non conventionnels. «Vous comprenez donc que le gaz de
schiste n'est pas pour demain et que ce n'est pas avec ce gaz que l'économie de
l'Algérie va être diversifiée», précise encore M. Attar.
Francis Perrin, président de Stratégies et politiques énergétiques, un centre de recherches et d'études sur le pétrole basé à Paris, relève de son côté que cette décision «ne constitue pas une grande surprise» puisqu'elle vient en application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures de 2013 qui contient plusieurs dispositions sur les hydrocarbures non conventionnels. Les 31 permis offerts par Alnaft à l'exploration en 2014 comprennent des zones considérées comme ayant un potentiel important en hydrocarbures non conventionnels. L'exploration de ces périmètres prendra plusieurs années, selon le directeur de la rédaction du magazine spécialisé «Pétrole et Gaz Arabe» (PGA). Les découvertes qui seront réalisées vont permettre à l'Algérie de disposer d'informations techniques et économiques plus précises sur l'exploitation. En cas de découvertes, «il faudrait encore des années pour développer ces réserves. Tout ceci exige du temps et des travaux. Le développement du gaz et du pétrole non conventionnels, c'est du moyen à long terme, pas du court terme», insiste à dire M. Perrin. Le professeur Chems Eddine Chitour, de l'Ecole polytechnique d'Alger, explique que le gaz de schiste doit faire partie d'un bouquet énergétique mais son exploitation «viendra à son heure quand les techniques d'extraction seront matures et respectueuses de l'environnement». «Ce sera le travail des générations futures, pour les générations actuelles, il faut aller à marche forcée vers la sobriété énergétique, développer les énergies renouvelables et surtout donner à l'énergie son coût réel (...). C'est cela la transition énergétique vers le développement durable», recommande le professeur Chitour qui dirige le Laboratoire de valorisation des énergies fossiles de l'Ecole polytechnique d'Alger. PROBLEME DE RENTABILITE Actuellement, le gaz de schiste n'est rentable ni en Algérie ni dans aucun autre pays. En dehors des Etats-Unis où le contexte est complètement différent, l'exploitation de ce gaz non conventionnel se fait à perte dans le reste du monde, selon M. Attar. De son point de vue, toute future exploitation de gaz de schiste ne surviendra à l'avenir qu'en guise d'appoint «pour assurer la sécurité énergétique du pays et non en tant que source de rente». En raison de ses coûts élevés, la production du gaz par fracturation hydraulique a été interrompue par les principales compagnies comme Shell et BP pour manque de rentabilité, relève à ce titre M. Chitour. Le schiste a besoin de continuels apports de capitaux pour maintenir la production grâce à des nouveaux forages qu'il faut multiplier afin de faire face au déclin des anciens. «Le gaz naturel reviendra beaucoup plus cher qu'aux Etats-Unis, où il y a un soutien de l'Etat (3,5 dollars le million BTU). En Europe, on parle d'un coût double. Pour l'Algérie, il faut ajouter un autre différentiel, ce qui ramènerait le coût autour de 15 dollars. Il n'y aura pas d'acheteur à ce prix», a-t-il avancé. M. Perrin estime qu'il faut d'abord avancer dans les études d'évaluation et passer à l'étape de l'exploration avec forages pour pouvoir donner des estimations chiffrées sur la rentabilité de l'exploitation en Algérie. PAS DE FRACTURATION HYDRAULIQUE SANS IMPACT ENVIRONNEMENTAL L'ancien PDG de Sonatrach tient à souligner que le débat actuel sur le gaz de schiste est «un peu faussé» en ce qui concerne les éventuels risques sur l'environnement. D'ailleurs, la fracturation hydraulique est pratiquée depuis des décennies en Algérie sans aucun risque, et les volumes d'eau prévus pour le gaz de schiste sont insignifiants par rapport aux ressources existantes au Sahara. Partageant le même avis, le Directeur de rédaction de PGA précise que les compagnies pétrolières disposent actuellement «de moyens techniques pour travailler de façon correcte dans le domaine du gaz de schiste tout en respectant l'environnement». Selon M. Perrin, il faut juste identifier les risques et étudier les moyens de les réduire, voire de les éliminer. «Cela suppose un Etat qui joue son rôle de régulation et de supervision et des acteurs économiques responsables», a-t-il souligné. Mais, selon M. Chitour, il n'y a pas d'extraction avec fracturation hydraulique sans impact environnemental. Un forage de schiste a besoin de 15 à 20.000 m³ d'eau douce par fracturation. Certains puits pouvant être fracturés plus de dix fois, soit au moins 100.000 m³ d'eau nécessaire à cette opération. «Il faut retenir que pour avoir 1 milliard de m³ de gaz, il faut 1 million de m³ d'eau définitivement perdu et plein de contaminants» qui peuvent polluer la nappe phréatique», met-il en garde. «L'Algérie dispose d'une nappe phréatique millénaire de 45.000 milliards de m³. Toutes les oasis du Sud vivent de cela et on condamnerait définitivement toute vie au Sahara», a-t-il ajouté. |
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