Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Mouvement des non-alignés : Un sommet et des attentes

par Ghania Oukazi

La réunion ministérielle du mouvement des non-alignés prévue à Alger devra, en principe, compléter les recommandations retenues par le sommet de Téhéran et, bien sûr, œuvrer pour leur application.

Le propos figure parmi tant d'autres d'une contribution de l'ambassadeur de la République Islamique d'Iran en poste à Alger qu'il a intitulée « Influence du mouvement des pays non alignés sur les systèmes injustes et autoritaires ». Mahmoud Mohamed rappelle en effet, en premier, que le dernier sommet de ce mouvement s'est tenu en 2012 à Téhéran où ses 120 pays membres, tous issus de l'Asie et de l'Afrique, ont adopté un communiqué final de 11 articles. L'ambassadeur iranien pense que la réunion ministérielle d'Alger dont les travaux sont annoncés pour le 26 mai et ce jusqu'au 28 du même mois, auront à compléter le contenu de ce communiqué conformément aux évolutions des situations régionales et internationales. Réunion qui sera présidée par le ministre des Affaires étrangères iranien puisque c'est son pays qui en a abrité le dernier sommet. Il aura à ses côtés les ministres des Affaires étrangères des pays membres qui, eux, se réuniront le 28 mai prochain pour mettre au point ce qui aura été fait par les experts durant les journées des 26 et 27. L'ordre du jour, selon l'ambassadeur, traitera donc des grandes questions politiques internationales. Par la contribution qu'il a adressée à la rédaction, Mahmoud Mohamed replace le mouvement des non-alignés dans son contexte originel et ce à partir du premier sommet qui lui a été dédié à Bandung en Indonésie. Pour lui, le mouvement a traversé trois phases importantes. La première a défini l'identité du non-alignement et son influence sur le fonctionnement des structures des Nations unies avec une prédominance de deux pôles Est et Ouest ou précisément les Etats-Unis et ce qui constituait à l'époque l'Union Soviétique. En fait, l'ambassadeur rappelle que le monde était sous une influence ou même une emprise bipolaire et que le reste des pays étaient contraints de se mettre sous l'un ou l'autre. L'idée nouvelle et naissante de ne s'aligner sur aucun des deux pôles était donc l'essence même du mouvement que des leaders comme l'Indien Nehru, Nasser l'Egyptien, Tito le Yougoslave, pour ne citer que ceux-là, ont initié et ont tenté d'inculquer aux pays qui constituaient ce qui s'appelait à l'époque le tiers-monde.

NON-ALIGNEMENT CONTRE MONDE BIPOLAIRE

Le sommet de Bandung sera suivi en 1961 de celui de Belgrade après une période ponctuée par des assemblées générales où plusieurs pays qui avaient décidé de ne s'aligner ni sur l'Est ni sur l'Ouest, tentaient toujours de se frayer un nouveau chemin et imposer leurs points de vue et leurs positions. A ces époques-là, plusieurs des pays d'Asie et d'Afrique notamment étaient colonisés. «Etant membres du mouvement des non-alignés, ils voulaient se constituer en force nouvelle entre l'Est et l'Ouest», écrit l'ambassadeur de la République Islamique d'Iran à Alger. Il note alors qu'entre 1961 et 1999, ces pays sont passés de 29 à 108. L'assemblée des non-alignés qu'Alger a abritée quelques années après son indépendance de la colonisation française, a voulu, selon Mahmoud Mohamed, «donner un nouveau souffle au mouvement et ce à travers sa prise d'importantes décisions réclamant haut et fort un monde plus juste et plus équitable». Il en cite à cet effet, «l'élimination du colonialisme, l'amorce du développement économique des pays qui acquièrent leur indépendance, le règlement des conflits régionaux en Asie et en Afrique, la diminution de l'immense gap entre les pays riches et les pays pauvres et enfin réviser le droit de veto que détiennent seulement cinq pays au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, et par la même occasion la création d'un bureau de coordination entre les Nations unies et le mouvement des non-alignés». La cause palestinienne figurait en évidence en pole position. L'ambassadeur rappelle ainsi que les pays membres de l'ONU ne tombaient pas d'accord sur les points exigés par les non-alignés, entre autres la décolonisation, l'indépendance, la liberté des peuples, la levée de la discrimination et l'abolition de l'apartheid. Le diplomate iranien n'omet pas de souligner qu'il était question aussi de dénoncer, «pour y mettre un terme», les exactions d'Israël contre le peuple palestinien. Mahmoud Mohamed estime que cette étape était la plus dure parce qu'elle a connu l'empêchement par la force du droit de veto des pays du tiers monde d'adhérer aux Nations unies.

POUR UN NOUVEL ORDRE ECONOMIQUE MONDIAL

La 2ème phase a connu selon lui, la nouvelle orientation donnée par l'ONU aux relations internationales. C'était après la guerre froide, c'est-à-dire de 1990 à 2001. Après le sommet de Jakarta (92), s'amorce ainsi, écrit l'ambassadeur, «un changement du système bipolaire pour orienter le monde vers un nouvel ordre économique». Ordre en faveur duquel Houari Boumediene, alors président de la République, a en 1972 fortement plaidé au niveau des Nations unies. Ce nouvel ordre mondial devait enclencher une dynamique de coopération Sud-Sud et amorcer un dialogue entre Nord-Sud consacrant le droit aux pays du tiers-monde d'utiliser pacifiquement l'énergie nucléaire. Un droit pour lequel l'Iran lutte inlassablement depuis de longues années et ce jusqu'à présent.

La 3ème phase que le mouvement des non-alignés a vécue, toujours selon l'ambassadeur, est celle qui a consisté à faire pression sur les Nations unies pour équilibrer les relations internationales. Phase qui est récente puisqu'elle s'inscrit selon lui, entre 2001 et 2012. Elle s'inspirera fortement des résultats du sommet tenu en Malaisie en 2002 au lendemain du fameux 11 septembre.

Sommet qui, écrit l'ambassadeur, «dénoncera et condamnera l'invasion américaine en Irak et le terrorisme qui y est pratiqué».

Toutes ces questions posées par les pays non alignés et l'ensemble de leurs revendications continuent d'être d'actualité. Elles doivent d'ailleurs s'imposer comme feuille de route, voire comme politique, pour une réactivation soutenue du mouvement en question. Elles ont été débattues au sommet de Téhéran et devront l'être à Alger à la fin de cette semaine.