Là où les gouvernements dont les territoires renferment des
gisements de gaz de schiste ont autorisé leur exploitation, la décision fait
polémique entre experts en questions énergétiques et alimente l'indignation des
milieux écologiques. L'Algérie ne fera pas l'économie d'une controverse sur le
sujet après le feu vert donné mercredi par le Conseil des ministres à
l'exploration et à l'exploitation de ce gaz de schiste, disponible,
semble-t-il, en grand quantité dans le sous-sol national. Comme ailleurs, cette
perspective divise nos experts nationaux et inquiète les défenseurs de
l'environnement. A l'instar des gouvernements canadien et américain, le nôtre a
tranché en faveur des partisans de l'exploitation. Il ne fait aucun doute que,
comme pour les deux gouvernements précités, ce sont les considérations d'ordre
financier qui ont prévalu pour la décision du nôtre. Ce qui ne manquera pas
d'attiser la colère des opposants à celle-ci qui estimeront un vœu pieux, voire
hypocrite, l'instruction faite par Bouteflika au Conseil des ministres, après
son adoption, de «veiller» à ce que l'exploration et l'exploitation du gaz de
schiste soient «menées en permanence avec le souci de préserver les ressources
hydrauliques et de protéger l'environnement». A tort ou à raison,
l'exploitation du gaz de schiste a de nombreux détracteurs qui la combattent en
faisant valoir qu'elle génère plus de problèmes gravissimes par leurs
conséquences pour les pays qui la permettent qu'elle n'en résout. Leur argument
dans ce sens, qui devrait donner à réfléchir dans le cas de l'Algérie, est
celui que l'exploitation est une menace mortelle pour les réserves d'eau. Elle
le serait d'autant chez nous que le pays est semi-aride et déjà confronté à
l'insuffisance de ces réserves. Sans vouloir prétendre être connaisseur du
sujet et de ses implications, il nous apparaît que la décision prise par le
Conseil des ministres a été hâtive et relève d'une pratique de la gouvernance
par «fait du prince». Le Président réélu n'a que les mots de «consensus
national» et de «concertation» dans la bouche depuis sa réélection. La question
de l'exploitation du gaz de schiste, dont il sait parfaitement qu'elle donne
lieu à forte controverse y compris parmi les «experts» du domaine énergétique,
aurait pu l'inciter à la soumettre à débat préalable avant que le Conseil des
ministres n'en soit saisi. En passant en force, l'adoption de l'autorisation
d'exploitation du gaz de schiste, et sans faire valoir les raisons qui l'y ont
conduit, Bouteflika crédite le soupçon que se font les anti-gaz de schiste
qu'il aurait agi en l'occurrence avec pour unique motivation la satisfaction du
desiderata de puissances étrangères convoitant cette ressource nationale et
ayant accordé leur caution à son contesté et controversé quatrième mandat. Pour
certains d'entre eux, Paris n'est pas étrangère à la décision du Conseil des
ministres algériens.
En la matière, pensent-ils, elle a demandé un «renvoi
d'ascenseur» qui va permettre aux sociétés françaises des hydrocarbures d'avoir
accès à des gisements qui sont considérés comme parmi les plus grands dans le
monde. Ce qui serait tout bénéfice pour l'Etat français qui n'a pu décréter la
même décision pour les gisements que recèle son territoire au constat que son
opinion publique y est majoritairement opposée. Ce qui indubitablement n'est
pas une préoccupation qui a traversé l'esprit des autorités algériennes pour
lesquelles le seul «consensus national» qui vaille est celui qu'elles se
forgent dans les secrets de leurs «officines de réflexion».