Tous les Algériens
ont remarqué que les hôpitaux à travers le territoire national ont fait peau
neuve avec une nouvelle couleur de peinture, des sols refaits à neuf et du
matériel sophistiqué acquis. L'hôpital de Kouba ne déroge pas à la rège et le
visiteur qui vient pour la première fois est ravi de voir les rampes
d'escaliers chromées, les marches recouvertes de marbre et les couleurs vives
qui ont remplacé le «bleu hôpital» que nous avons subi depuis des décennies.
Pourtant, les femmes qui viennent juste d'accoucher et qui se retrouvent dans
une salle d'observation avec leurs nouveau-nés ont vite fait de déchanter et
souhaitent n'avoir jamais mis les pieds dans cet hôpital ou, du moins, en
sortir le plus vite possible. C'est une salle située au premier étage, dans le
service de gynécologie, qui accueille les femmes venant juste d'accoucher et
qui sont mises à deux ou trois sur un même lit alors que celles qui ont moins
de chance restent debout ou étendent leur couette ou leur couverture à même le
sol pour s'asseoir. Cela peut encore se comprendre quand on voit le nombre très
importants de parturientes qui s'y rendent et c'est déjà un exploit de les
retenir toutes et de leur prodiguer un minimum de soins. Mais là où cela
devient incompréhensible, c'est quand ces parturientes et leurs visiteuses -les
hommes ne sont pas admis dans cette salle- rapportent que les cafards, de
toutes tailles et de toutes les couleurs, circulent librement sur elles, sur
les murs, sur les lits des adultes et des bébés, s'introduisant n'importe où et
disputant la nourriture aux humains. Bien sûr, le cafard a de tout temps existé
dans les hôpitaux ou dans toutes les institutions qui abritent beaucoup de
gens, et même dans les maisons quand les femmes ne font pas souvent le ménage,
alors que les vieux bâtiments sont connus pour en abriter des bataillons.
Mais aujourd'hui,
il faut reconnaitre que la science a fait des progrès énormes. Se débarrasser
des cafards et d'autres insectes nuisibles est devenu facile, il suffit
d'utiliser l'un des nombreux produits anti-cafards qui existent sur le marché
et, bien entendu, d'observer des règles d'hygiène strictes. Mais où
pouvons-nous trouver ces conditions d'hygiène si ce n'est dans un hôpital et
surtout là où des nouveau-nés voient le jour, très faibles, très vulnérables,
et qu'il faut protéger même de la simple bise. C'est aussi un endroit où la
mère qui vient juste d'accoucher a besoin de trouver les conditions absolues
d'hygiène, de propreté et de soutien, car elle sort très affaiblie après la
dure bataille qu'elle vient d'engager pour donner naissance à un nouvel être
qu'elle a déjà porté neuf mois durant dans ses entailles et qui l'a donc déjà
fatiguée. «C'est un spectacle révulsant et insoutenable que de voir tous ces
cafards déambuler tranquillement un peu partout, sur les murs, sur les lits,
par terre, sur la nourriture. Partout où nous regardons, il y a des cafards»,
nous a confiés une femme qui sortait, son bébé dans les mains, sans même
attendre l'avis des médecins. Elle nous a précisé qu'elle préférait le danger
qui pourrait la guetter au danger qui la guette déjà. Une autre femme assez
âgée nous déclara qu'elle n'a jamais vu autant de cafards dans un seul endroit
: «il y en a de toutes les tailles, de toutes les formes, de toutes les
couleurs, j'ai la nausée rien que d'y penser», avant de nous avouer qu'elle
pense ramener un produit anti-cafards pour le mettre dans la salle et aider ces
pauvres femmes à survivre en attendant que les responsables prennent les choses
en mains. Enfin, le mari d'une femme qui venait d'accoucher nous a abordés pour
lancer un appel au personnel qui travaille dans ce service pour demander :
«s'il vous plait, nettoyez ces lieux qui accueillent des personnes faibles, ne
les laissez pas en face de ces bestioles immondes qui peuvent mettre en danger
la vie de nos bébés et de nos femmes !».