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Doute et suspicion sur le projet de révision constitutionnelle

par Kharroubi Habib

C'est un euphémisme de dire que la majorité de la classe politique et des représentations de la société fait montre de défiance et d'appréhension à l'endroit de la révision de la Constitution dont Bouteflika a annoncé le 28 avril la relance prochaine du projet en spécifiant qu'il veillera à ce qu'elle aboutisse à une loi fondamentale «consensuelle» ayant pour objectif la consolidation de «l'entente nationale».

Il faut reconnaître que leur attitude a des raisons fondées. Celle d'abord qu'ils ne peuvent qu'être méfiants vis-à-vis d'un homme qui a procédé en 2008 à une opération de même nature uniquement pour lever l'écrou constitutionnel qui l'empêchait de prétendre à un troisième mandat présidentiel. Partant de ce précédent, beaucoup le soupçonnent de vouloir procéder à une nouvelle révision pour cette fois s'assurer que sa succession dont la problématique reste posée eu égard à son problème de santé soit codifiée comme voulue par lui. Ils sont jusqu'à démonstration du contraire convaincus que Bouteflika n'a en vue à travers la révision projetée que d'officialiser la création du poste de vice-président dont le titulaire serait son homme lige. Ils attendent donc de voir comment le président réélu entend organiser cette concertation et ce débat qu'il a promis autour de la révision constitutionnelle.

Un remake du scénario de la commission Bensalah les confortera à coup sûr dans leurs préventions et dissuadera beaucoup d'entre eux à s'impliquer dans son processus. D'aucuns voulant juger de la sincérité de Bouteflika à rompre avec un tel scénario avancent l'idée de la mise en place d'une grande «commission constitutionnelle» dont la composante serait formée de représentants des partis politiques, de la société civile toutes catégories confondues, d'experts, de personnalités politiques et bien sûr le pouvoir en place. C'est de cette façon pensent-ils que Bouteflika ferait la preuve qu'il n'ambitionne pas de se confectionner une constitution «sur mesure», mais de doter le pays d'une loi fondamentale revêtue de l'onction consensuelle la plus large possible.

Bouteflika surprendra-t-il ses détracteurs soupçonneux ? L'on ne s'aventurera pas à le pronostiquer d'autant que des confrères se fiant aux «confidences» de sources qualifiées par eux de «crédibles» ont avancé que c'est Ahmed Ouyahia, son nouveau directeur de cabinet, que Bouteflika aurait chargé d'entreprendre la consultation sur la révision de la Constitution. Si ce choix se vérifie, il sera alors perçu par nombre d'acteurs politiques et sociaux comme indiquant la volonté du pouvoir de réduire cette concertation à des échanges formatés pour ne pas aller au fond sur ce qu'il y a lieu d'opérer de changements ou de rajouts dans la Constitution pour aller à un changement pacifique et graduel de système et de mode de gouvernance.

Ouyahia n'est pas en effet à créditer d'être favorable à un changement du système en vigueur. Droit dans ses bottes, en tant que Premier ministre et secrétaire général du RND il avait rappelons-le pris position nette contre les demandes allant dans ce sens. Il serait compréhensible par conséquent que sa désignation suscite des récusations et entretienne la méfiance à l'égard des intentions du pouvoir. A moins que son «recyclage» tant au cabinet présidentiel que dans le processus de la révision de la Constitution ne soit que manière de lui faire «avaler des couleuvres» et ainsi le démonétiser irrémédiablement en perspective d'une succession dont le quatrième mandat verra la mise en place des mécanismes.