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Les dénonciations
des scandales financiers dans lesquels seraient impliqués des proches des
responsables, ces scandales qui auraient pu faire basculer l'opinion au profit
des candidats dits de l'opposition au président sortant Abdelaziz Bouteflika,
ont glissé sur l'opinion publique comme l'eau sur les plumes d'un volatile
aquatique.
Les politologues ou dits experts sont KO debout. Ils dénonçaient l'impotence de l'homme, elle fut retournée en atout. Paradoxalement, cette image de l'homme dans son fauteuil roulant a créé un effet « retour protecteur » d'une partie de l'électorat qui se sentit redevable à son égard pour ce qu'il fit pour assurer la sécurité, la fin des attentats et des menaces terroristes. On appelle cette posture, le syndrome de Lima. Quand les otages sympathisèrent avec leurs ravisseurs au point de les protéger de leurs corps pour leur éviter les balles des snippers de la police. Sa gestion de cette affaire de sécurité nationale fut, en effet, remarquable. C'est tout son talent de négociateur, de diplomate qui fit la différence avec ses prédécesseurs à cette haute fonction de l'Etat. Et ce n'est pas peu dire aux yeux de ceux à qui revenait la sanction finale devant les urnes. Mais encore ? « Oui mais, et après ? ». Après ? Le métier et l'exercice du pouvoir l'a emporté sur la bonne foi des uns, les propositions de réorientation politique, justifiées, des autres, qui réclamaient un bilan devenu urgent à établir pour de nouveaux objectifs, des correctifs. Ce serait injuste de dire que ce fut l'écran de fumée du pouvoir, mais le mot de Sécurité a occulté toutes autres revendications de justice sociale, d'emplois, de système de santé qui se contente d'hôpitaux livrés clés en main gérés par un personnel subalterne aux qualités contestables, et de cargos qui nous fournissent tout ce qui nous est nécessaire pour vivre. Ainsi, pour tout « après », nous eûmes droit, à travers ses porte-parole, à des promesses. Un langage de météorologiste. Ils pilotent à vue. Face à l'appareil d'Etat établi, aux médias électroniques, dont la télévision, qui vendaient un produit unique, singulier, furent opposés des ersatz de compétiteurs, des sous-produits, comme il convient dans ce cas. La confusion d'une Louisa Hanoune, à la fois opposante et soutien objectif du candidat président en fut la triste illustration elle que l'on qualifiait, avec fierté, de « fehla ». Sa campagne n'en fut pas une, stricto sensu, dans la stricte observance de sa ligne politique ou de celle dont elle et son parti, le Parti des travailleurs, se réclament. Résultat, le désastre : la perte de 400.000 voix par rapport à la dernière consultation si l'on doit tenir pour vrais les chiffres avancés. Ces voix qui faisaient d'elle, justement, LA VOIX de propositions patriotiques. Le boulet que traînait Benflis, son péché originel, durant toute sa campagne, ne lui permettait pas de faire une course honorable. Il ne fut pas l'enfant prodigue qu'il se croyait être et n'a semblé rien retenir de son premier échec, une décennie plus tôt, pour accéder à la magistrature suprême. Ce qui rassure, c'est qu'il a compris, finalement, qu'on n'engage pas une force de proposition quand on n'a pas derrière soi, ou à côté de soi, une structure, un parti, des militants agissants à différents niveaux de la société et des médias. Le plus triste - même si on lui concéderait volontiers d'avoir retenu la leçon de l'appareil nécessaire pour conquérir le pouvoir, une armée par-delà le flot des mots - est qu'il impute son échec non pas à la stratégie adoptée, mais à son principal opposant. « Ce n'est pas de ma faute, c'est de la sienne », attribuant au président sortant et à son équipe des manipulations de voix difficiles à prouver si l'on s'en tient aux propos des observateurs et à la présence de ses représentants lors des dépouillements des votes. Quand un homme politique, qui se réclame d'une envergure nationale, ne concède pas une défaite - concession mobilisatrice plus que destructrice - lorsqu'il n'assume pas l'échec de l'opération, on peut craindre qu'une fois au pouvoir il proclamera toujours faire zéro faute dans toutes les dictées et que les fautes reconnues ne seront pas les siennes mais les taches laissées par une plume défectueuse. A ses aides ou ministres. Un fort ego est certes nécessaire pour accéder au pouvoir, mais il faut également raison garder et se nourrir de ses échecs. Exit. Pour longtemps. Ou tout le temps ? Que reste-t-il, dès lors, de cette campagne ? Première constatation, le pays est divisé en deux camps. Les volontaristes, qui y croient, et ceux qui ont baissé les bras. Deuxième constatation, il n'existe pas de vivier d'hommes d'Etat. Les politiques qui ont mené campagne pour Abdelaziz Bouteflika n'en sont pas. Sinon, demain, par défaut. Enfin, somme de l'absence d'homme ou de femme d'Etat, d'un leader guide capable de conduire un projet de société, et d'un échec patent sur le plan de chômage, de la santé, de la stérilité de la production nationale, des scandales financiers, près de la moitié des électeurs potentiels ne se sont pas retrouvés dans les candidatures qui leur étaient proposées. Ils ont préféré bouder, garder pour soi leurs idées ou les dire par leur absence. C'est tristounet un lendemain de consultations en Algérie. On fait la tortue. On rentre la tête et les pattes dans la carapace. Ces pique-niqueurs ou pêcheurs occasionnels sont, quoi qu'on puisse dire ou penser, les vrais vainqueurs de cette consultation pour avoir renvoyé, dos à dos, tous les candidats en mal d'innovation, de génie politique, de capacité à les faire croire et rêver. Ils seront difficiles à convaincre, à leur redonner confiance en ce pays et en ses dirigeants, difficiles à mobiliser autour de tâches nationales, les faire participer pour construire, pour leurs enfants, un avenir. Ce ne sont pas seulement des estomacs sur pieds, des assistés comme certains ont pu l'écrire. Ils sont les victimes expiatoires d'un système. C'est ce système, justement, qu'il faudra bien refonder, cet environnement qu'il faudra bien favoriser, un climat à instaurer pour rebondir sur l'expérience que nous venons de vivre et qui est, quoi que l'on puisse dire, intéressante à bien des égards. Des contributions de tous les courants ont été publiées, des débats, professionnels, dans certains cas, furent organisés sur un certain nombre de chaînes et de médias, des politiques, ou qui se prétendaient tels, se sont exprimés, et ce n'est pas peu dire, dans un pays où une telle tradition était absente, où le parti unique, la parole unique ont laissé des traces difficiles à effacer. En clair, il s'agira de libérer davantage la parole. L'organiser. Que les mairies et les assemblées régionales et nationales se muent en fora et non plus se carapaçonner, donner l'image de bunkers, de chambres d'enregistrement des décisions de walis ou de gouvernement sans que l'on sache qui les inspirent. Que les associations citoyennes participent, au jour le jour, à la gestion de la vie de tous. C'est ainsi, monsieur le Président, que les grands hommes entrent dans l'histoire. En insufflant une âme aux institutions - somme toute pareilles sous tous les cieux mais souvent vides de contenu. Non. On ne peut prétendre entrer dans l'histoire sur la seule performance d'avoir crevé le record de mandats. A moins de s'appeler Mobutu, Salazar ou Franco. Les abstentionnistes et opposants vous ont adressé à vous et aux autres candidats une supplique : donnez-nous une chance de renaître. Ne laissez pas la rue vous le hurler un jour. A sa manière. Il suffira de peu. De rien. D'un battement d'ailes de papillon. D'un Bouali qui s'immole. |
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