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Je dois vous dire
que je ne vous connais pas vraiment et je ne peux pas faire le bilan de votre
parcours, ni ici en Algérie ni en Suisse.
Ce n'est d'ailleurs pas mon objectif tant il est vrai que, à mon avis, les bilans doivent être faits en public et soumis, nécessairement, au verdict des citoyennes et des citoyens. Je dois tout simplement vous dire que les positions que vous avez prises depuis quelques mois m'interpellent, en tant que citoyen algérien, à plus d'un titre. Après une absence de plusieurs années, vous qui aviez occupé de hautes responsabilités dans les institutions de l'Etat algérien, vous êtes rentré en Algérie pour vous porter candidat à la candidature aux élections présidentielles du 17 avril 2014. Au cours de votre exil suisse, vous vous êtes enrôlé dans un parti politique et vous en êtes même devenu une vedette à un moment donné. Certes, vous avez intégré ce parti, le Parti Radical de Cologny en l'occurrence, parce qu'il répond, dans le contexte suisse, à vos visions et convictions libérales. Mais, vous n'avez pas hésité à le quitter en l''accusant d'être " islamophobe " pour rejoindre un autre, le Parti Libéral Radical dont vous n'êtes plus, naturellement, membre. Vous avez même crée, en Suisse, l'Association suisse des Musulmans pour la Laïcité (ASML). Il faut dire que vous avez mis beaucoup de temps pour faire votre choix de l'Algérie - en matière d'engagement politique bien entendu-, mais, comme la gestion du temps obéit à des critères souvent irrationnels, je me contenterai de reprendre à mon compte un vieil adage : mieux vaut tard que jamais. En Algérie, faut-il le rappeler, celle-ci que vous aspirez à présider, vous n'avez jamais appartenu à un parti politique. De prime abord, cela peut sembler compréhensible puisque, en plus de la culture politique algérienne basé essentiellement sur la prééminence du chef, les visions et les approches politiques de nos partis sont souvent illisibles à tel point qu'il est pénible, même pour les analystes les plus fins, de faire la distinction entre tel et tel autre parti autrement qu'à travers leurs dénominations. Ceci, et je vais être parfaitement d'accord avec vous, est une très bonne raison pour ne pas prendre au sérieux le paysage politique national. Néanmoins, le peuple algérien auquel j'appartiens ne se souvient nullement d'une position prise par Monsieur Ali Benouari en sa faveur, en faveur de la démocratie ou en faveur de l'Algérie d'une façon générale, au cours de ces vingt dernières années. Votre retour au bercail relève-t-il, pour ainsi dire, d'un mea culpa à l'adresse des Algériennes et des Algériens? Je ne saurais le dire. Néanmoins une analyse sérieuse de votre démarche politique depuis que vous êtes rentré au pays m'en donne une image absolument incohérente. D'abord, vous avez décidé individuellement, ou peut-être avec le concours de quelques uns de vos proches collaborateurs, de vous porter candidat à la candidature aux élections présidentielles de 2014. Si votre décision est fondée du point de vue de la loi, il n'en demeure pas moins que, moralement, elle relève d'un mépris actif pour l'activité militante à laquelle vous déniez indirectement toute pertinence politique. En fait, en inscrivant votre candidature dans une optique non partisane, non-militante, non-populaire, vous ne faites que légitimer la logique du pouvoir en place qui privilégie les " candidats indépendants ", lesquels candidats sont faciles à manipuler et, par essence, non comptable devant " leur " base militante puisque ils n'en ont pas, dans l'objectif de déqualifier ad vitam aeternam l'activité politique. Ensuite, vous affichez un mépris encore plus prononcé pour le peuple algérien dont vous ne semblez solliciter ni la sympathie, ni le soutien. En effet, la démocratie à laquelle vous appelez mais dont vous ne semblez pas bien imprégné consiste, par essence, à permettre au peuple de choisir d'abord ses candidats, ensuite ses élus. Or, en déniant le premier droit aux Algériennes et aux Algériens, à savoir celui de choisir leurs candidats, vous ne leur donnez aucune garantie de respecter le deuxième, c'est-à-dire celui de choisir leurs élus. Bien au contraire. Vous êtes libéral, favorable à une rupture radicale avec le système en place et vous l'assumez pleinement, ce qui est presque une première dans les annales de la jeune démocratie algérienne. En effet, face à des partis politiques et à des personnalités versatiles pour lesquels l'incohérence est synonyme de tactique, l'opacité est synonyme de prudence, l'entêtement est synonyme de conviction, la couardise est synonyme de sagesse, l'inefficacité est synonyme de complot, l'éloge du statu-quo est synonyme de vision à long terme, etc., votre franchise, votre clarté et votre pragmatisme valent bien leur pesant d'or. Bien que vous ayez été loin de l'Algérie des années durant, vous y êtes resté très attaché et c'est visible dans votre façon de faire étalage, à chaque fois que l'occasion vous est donnée, des problèmes et des problématiques auxquels font face, au quotidien, les Algériennes et les Algériens. Votre capacité à identifier les blocages qui paralysent, depuis au moins un quart de siècle, l'Algérie, votre aptitude à cerner la crise algérienne dans ses diverses dimensions, sont indéniables. En écrivant, dans votre lettre au Président de la Commission Européenne, au Président des Etats-Unis et au Secrétaire Général de l'ONU, qu'il faut rompre avec la gestion autoritaire ", " la dépendance de notre économie des hydrocarbure ", vous ne risquez pas de vous faire contredire par les Algériennes et les Algériens, encore moins les " experts " que vous évoquez. Néanmoins, à la lettre, il manque l'esprit. Pour, au moins, deux raison essentielles. Premièrement, après avoir échoué à faire valider votre candidature à l'élection présidentielle de 2014 auprès du Conseil Constitutionnel, vous avez dénoncé une partialité de celui-ci prétextant que le pouvoir aurait " peur de vous ". Possible. Vous avez par la suite rejoint le staff du candidat Ali Benflis. C'est un engagement qui a, tout au moins, le mérite de donner de vous l'image d'un intellectuel en mouvement. Cependant, vous n'êtes pas sans savoir que votre lettre à José Manuel Dura?o Barroso, Barak Obama et Ban Kimoon est susceptible d'être interprétée comme étant un appel au soutien de l'Union Européenne, des Etats-Unis et de toute la communauté internationale à votre candidat, Monsieur Ali Benflis, et non pas l'avènement d'un " régime démocratique " en Algérie dont vous parlez. De plus, vous gratifiez l'Europe, et l'Occident d'une façon générale, d'une crédibilité dont vous êtes, me semble-t-il, le seul à voir les manifestations. Si, en effet, il est vrai que les régimes occidentaux sont essentiellement démocratique, il n'en demeure pas moins que ceux-ci se sont construit sur la paupérisation, l'exploitation et l'humiliation de plusieurs peuples du monde, dont le notre, et que la solidarité internationale au nom de laquelle vous les appelez à " encourager la démocratie en Algérie " n'est qu'un instrument de mise à mort des souverainetés nationales et de fragmentation des Etats-nations qui a déjà été expérimenté ailleurs, en Yougoslavie, au Soudan, au Congo, en Centrafrique, au Mali, en Irak, etc. Donc, de grâce Monsieur Ali Benouari, soyez franc comme vous l'avez toujours été : votre objectif est-il de mobiliser la communauté internationale en faveur de votre candidat, Monsieur Ali Benflis ? Deuxièmement, vous parlez dans votre lettre d'une Algérie fragile qui, " au terme du prochain mandat présidentiel (2019), risque de ne même plus pouvoir nourrir sa population, qui se sera accrue, entre-temps, de 4 millions d'âmes. " Vous évoquez également un " pouvoir dictatorial qui " est une source de déstabilisation pour toute la région euro-méditerranéenne." Bien que je ne partage pas tout à fait votre terminologie, je souscris totalement à votre constat que je trouve clair, net et précis. La nécessité d'aller vers un régime plus démocratique, plus transparent, plus sérieux, d'aller vers une Algérie plus ambitieuse, plus libre et plus responsable, vous l'évoquez avec des mots justes et ces mots, on peut les entendre dans la bouche de plusieurs centaines de milliers, voire de millions d'Algériennes et d'Algériens. Ce faisant donc, vous n'innovez pas, Monsieur Ali Benouari. Vous ne faites que reprendre pour votre compte un combat qui compte, à l'heure où écrivez, des milliers de martyrs. Vous êtes ainsi une voix qui s'ajoute au chœur des partisans, de plus en plus nombreux, d'une Algérie démocratique et républicaine, et tant mieux. Je ne vais pas vous accuser d'usurpation parce que vous avez une voix plus audible que la mienne et que celle de plusieurs autres militants. Je n'en ai ni la volonté, ni le droit. Tout au contraire, je suis heureux de voir des Algériens de votre trompe s'engager politiquement. Toutefois, Monsieur Ali Benouari, je ne saurais m'empêcher de douter de la pertinence du choix de vos interlocuteur, à savoir le Président de la Commission Européenne, le Président des Etats-Unis et le Secrétaire Général de l'ONU et, à travers eux, l'Europe, les USA et la communauté internationale toute entière. Vous écrivez que " le peuple algérien se prépare a? assumer ses responsabilités en descendant dans la rue, au lendemain du scrutin, pour exprimer pacifiquement son attachement a? l'alternance politique ", mais, juste après, vous affirmez, sans ambages, vos " craintes d'éventuels dérapages ", prenant ainsi le peuple algérien pour exactement ce qu'il refuse obstinément d'être : un peuple de mineurs. Vous ne vous arrêtez pas là, Monsieur Ali Benouari. Vous poussez le bouchon plus loin en appelant " le père " que les Algériennes et les Algériens s'évertuent à tuer depuis des années, à les " protéger ". Vous vous garder, éthique " niffienne " algérienne oblige, d'appeler cela de l'ingérence. Et pourtant, il ne peut s'agir que de cela et vous le savez mieux que quiconque. Vous vous efforcez à noyer votre analyse dans la conjoncture électorale actuelle, faisant mine d'oublier que les relations internationales ne sont pas une histoire de détails et d'humeurs mais de grands enjeux et de stratégies. Pris dans un élan d'exubérance " démocratisationnelle ", vous faites délibérément dans la fuite en avant et vous refusez d'admettre que les relations entre les Etats relèves de confrontations continues d'intérêts et que, selon toute évidence, comme dirait le philosophe, " il n'y a pas de modèle démocratique universel " et que " seul le capitalisme est universel ". En gros, en récusant aux pays occidentaux que vous appelez à " démocratiser " l'Algérie, eux qui ont par le passé échoué à la " civiliser ", le droit de s'abriter derrière la " raison d'Etat ", vous mettez l'Etat algérien en jeu et vous offrez à ces derniers, " démocratiseurs malgré eux ", l'opportunité de mettre le genou en vous abritant derrière " la raison démocratique ". Ce n'est peut-être pas votre intention, Monsieur Ali Benouari, mais le remède que vous proposez est, à mon avis, pire que le mal. Ceci étant dit, je ne saurais terminer ma lettre sans vous inviter à retirer celle que vous avez envoyée au Président de la Commission européenne, au Président des Etats-Unis et au Secrétaire Général de l'ONU, à vous excuser auprès d'eux- auprès du peuple algérien- en leur disant simplement que vous vous êtes trompé de destinataires et à réécrire cette même lettre à l'adresse, cette fois-ci, des Algériennes et des Algériens, notamment les élites politiques et intellectuelles. Car, contrairement à ce que vous pensez, seule une synergie citoyenne entre les Algériennes et les Algériens, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition, leur mobilisation permanente, sont en mesure de préparer l'avènement d'un régime véritablement démocratique et républicain en Algérie. La démocratie, Monsieur Ali Benouari, ne se décrète, ni ne s'importe, ni ne s'achète. Elle se construit et ça a un prix. *Journaliste Indépendant |
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