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On l'apprend tout de go : la Crimée, voyez-vous,
c'est pire que l'Irak ! C'est Barack Obama qui le dit dans un discours où il
affirme la supériorité «morale» des Etats-Unis sur la Russie au nom de leur
respect différent du droit international. Un exercice hallucinant qui ne
convaincra sans doute que les juges de la CIJ qui ont validé l'indépendance du
Kosovo en prétendant que cela ne pouvait être considéré comme un précédent.
Mais avant même l'argumentaire juridique, oser affirmer que la Crimée c'est
pire que l'Irak est ahurissant. Il y a eu au moins plus de 500.000 morts en
Irak du fait de l'intervention américaine et le «traitement» de Falloudja a été
un «modèle» d'horreur. Ce pays ne s'en relève toujours pas. Il n'y a pas eu de
morts en Crimée.
Il faut en conclure donc que les centaines de milliers de morts en Irak ne pèsent pas bien lourd à l'aune de la Maison-Blanche démocrate. Mais Barack Obama ne se contente pas de ce jugement implicite sur la valeur de la vie irakienne, il se permet de dire l'exact contraire de la vérité, à savoir qu'en Irak les Etats-Unis ont «cherché à travailler à l'intérieur du système international». La guerre en Irak a été décidée sur la base d'un mensonge éhonté et sans aucun mandat international. La loi du plus fort s'est exercée avec l'arrogance la plus grossière. L'opinion mondiale a été confrontée à l'un des plus grands coups portés au droit international. Au final, Obama endosse totalement les arguties des néoconservateurs en prétendant que les Etats-Unis n'ont pas «revendiqué ou annexé le territoire» et «n'ont pas pris ses ressources» mais ont laissé «l'Irak à son peuple, et un Etat irakien pleinement souverain a pu prendre des décisions au sujet de son propre avenir ». Un discours délirant. Les Etats-Unis n'ont pas annexé l'Irak, bien sûr, ils l'ont détruit. Ils ont monté les communautés les unes contre les autres, ils y ont créé un appel d'air djihadiste et ils ont déstabilisé toute la région. L'opération «choc et effroi» lancée le 19 mars 2003 a été un vaste désastre humain et la consécration d'un recul sans précédent du droit international. Les médias occidentaux n'en parlent plus mais l'Irak continue de mourir chaque jour de la sollicitude criminelle de la Civilisation. Et quand ces médias s'en souviennent, c'est pour relativiser l'immense carnage en affirmant que les Irakiens «n'ont plus la sécurité mais ils ont l'espoir». Ce ne sont pas les Irakiens qui le disent, ce sont les envahisseurs qui ont laissé un pays cimetière. Cette leçon de respect du droit international délivrée il y a quelques jours à Bruxelles en invoquant l'Irak transformé en vaste boucherie par la «Civilisation» est grotesque. Mais elle exprime cyniquement une vision impériale qui confère à Barack Obama le même statut que son prédécesseur. Le message irakien d'Obama - même s'il prétend qu'il était contre la guerre en Irak - est que les choix des Etats-Unis deviennent «loi» universelle sans avoir besoin d'une autre approbation que celle du Congrès américain. Au plan du droit international, il n'y avait aucune base légale à la guerre contre l'Irak. Et si le droit international est respecté, y compris dans ses évolutions humanitaires si souvent invoquées pour justifier les ingérences, ceux qui ont décidé et mené cette guerre sont passibles du TPI. Il n'est nul besoin de s'empêtrer dans d'oiseuses considérations sur le fait qu'Obama trouve normal son «référendum» au Kosovo et anormal celui de Vladimir Poutine en Crimée. Comparaison n'est pas raison et en l'occurrence elle est totalement inopérante, mais les Etats-Unis ne peuvent s'exonérer comme bon leur semble du droit international. Et l'Irak, c'est sous toutes les déclinaisons imaginables un crime contre l'humanité. L'Irak dévasté et ensanglanté restera pour les siècles infiniment plus grave que l'action russe en Crimée. Même si Barack Obama prétend le contraire au nom d'une propagande bancale en endossant sans état d'âme un costume néoconservateur taillé pour G.W. Bush. |
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