En voilà une autre
affaire qui risque de jeter le froid dans les relations bilatérales entre
l'Algérie et la France. Les services secrets canadiens ont mis à nu leurs
homologues français qui seraient derrière une vaste opération de piratage
informatique ou cyber-espionnage, ayant débuté en 2009 et qui se poursuivrait
toujours grâce à un implant espion dont les attaques viseraient en premier lieu
une demi-douzaine d'institutions iraniennes liées au programme nucléaire de ce
pays. Et il n'y a pas que cela, car les services secrets canadiens relèvent la
présence de cet implant au Canada, en Espagne, en Grèce, en Norvège ainsi qu'en
Côte d'Ivoire et en Algérie. Cet implant espion a donc été repéré dans ces deux
dernières zones géographiques sous l'intitulé «anciennes colonies françaises»,
chose qui pourrait froisser plus encore les sentiments de ces deux pays à
l'égard de l'ancien colonisateur. Les autorités françaises, qui avaient sorti
leurs ongles face à l'«Oncle Sam» lorsqu'ils ont appris qu'ils étaient
espionnées par la NSA dans le sillage du scandale des écoutes téléphoniques qui
ont ciblé les premières personnalités de l'Allemagne, la France et le Brésil, pour
ne citer que ces pays, devraient faire face à une levée de boucliers hostiles à
ces pratiques, particulièrement en Algérie. Mais, au-delà d'une condamnation
qui s'offusquerait de tels agissements, dans la pure forme de la diplomatie
«classique», il faudrait songer à se prémunir contre ces cyber-attaques en
développant les moyens techniques et changer (constamment) de mode de
communication. Les faibles continueront à être espionnés même par de simples
hackers, souvent incontrôlables et indétectables. Les services secrets
canadiens estiment, pour trouver une explication ou un argument stratégique à
cet espionnage informatique d'Etat, qu'au-delà de son intérêt politique
régional, Abidjan est en 2010 au cœur de la bataille présidentielle. La
confrontation entre le président ivoirien sortant Laurent Gbagbo et
l'ex-Premier ministre Alassane Ouattara, sorti vainqueur à l'issue du second
tour, en novembre, plonge le pays dans quatre mois de guerre civile. La France
était à l'époque entièrement, voire militairement, engagée dans ce conflit.
Quant à Alger, selon les mêmes analyses, elle a rompu le dialogue avec Paris
fin 2009, alors que le pays reste un acteur régional de première importance
pour la France, notamment sur les questions de sécurité, et Alger devait de ce
fait être sous la loupe (plutôt sous le scanner) de ses espions ! Mais de quel
droit !? Non, bien sûr, la cybernétique ne reconnaît aucune morale de la loi,
les intérêts stratégiques des pays puissants passent avant tout et au dessus de
tout. En tout cas, même s'il est très difficile de cerner l'origine d'une
attaque informatique, le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada
(CSEC) affirme «qu'il s'agit d'une opération sur des réseaux informatiques
soutenue par un Etat et mise en œuvre par une agence française de
renseignement». Interrogée par Le Monde, la direction générale de sécurité
extérieure (DGSE) s'est refusée à tout commentaire «sur des activités réelles
ou supposées ». Le CSEC, en revanche, s'est montré plus disert et a confirmé au
Monde que ce document émanait bien de ses services, sans pour autant rentrer
dans le détail de cette chasse au logiciel espion. Le document révélant cette
affaire et exploité par le quotidien «Le Monde» dans son édition du 21 mars
dernier, émane du Centre de la sécurité des télécommunications du Canada
(CSEC), les services secrets techniques du pays, et il a été extrait des
archives de l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA), par son
ex-consultant Edward Snowden. Daté de 2011, il semble avoir été conçu pour
exposer, au sein du CSEC, les détails d'une traque menée, avec succès, contre
une arme informatique offensive ayant, dans ce cas, permis d'incriminer la
France. La chasse a débuté, d'après le CSEC, en novembre 2009, lorsque les
experts canadiens ont détecté la présence d'un implant suspect dont le profil
n'a cessé de se sophistiquer au fil des années. L'ancien analyste des services
américains, M. Edward Snowden, qui est poursuivi dans son pays pour être à
l'origine des fuites sur l'Agence de sécurité nationale (NSA) qui ont provoqué
un séisme planétaire, estime dans «un manifeste pour la vérité», publié par le
magazine allemand Der Spiegel, que la surveillance massive constitue un
problème mondial qui demande une réponse mondiale. «De tels programmes ne sont
pas seulement une menace contre la vie privée. Ils menacent la liberté
d'opinion et les sociétés ouvertes», a-t-il estimé. Mais, quoi qu'il en soit,
la suspicion est bien installée pour assez longtemps, sinon pour toujours. Vu
l'impossibilité pour des pays sous-développés d'accéder à la technologie qui
leur permettrait de détecter les «implants» informatiques espions.