Une dizaine de
familles, dont 7 habitaient le «Fendek Dar Eddebegh», les anciennes tanneries
d'Echatt, et 3 autres habitant un peu plus haut, à la rue Sidi-Nemdil de la
«Batha», ce quartier mythique de Souika, ont quitté leurs logements
centenaires, jeudi matin, pour être relogées dans des appartements neufs au
niveau de la cité Massinissa d'El-Khroub. L'opération a été lancée afin de
libérer la voie aux entreprises chargées de l'application du programme de restauration
des sites historiques et culturels de la vieille ville.
«Cette date
restera désormais gravée dans notre mémoire collective», nous a confié Mohamed,
un père de famille qui a obtenu un F3. «Bien sûr que nous sommes contents de
sortir enfin de ces trous sombres et insalubres, a-t-il ajouté, nous éprouvons
une vive émotion à l'idée de quitter ces lieux qui nous ont vu naître et
grandir, qui ont vu aussi naître et mourir nos parents», ajoute ce «fils de la
Souika» comme il aime s'identifier, la gorge nouée, en signalant que sa famille
occupait les lieux bien avant le déclenchement de la révolution de 1954. Nous
l'avons surpris, lui et sa femme, en train de nouer un grand baluchon contenant
leurs maigres effets dans l'attente du retour du camion de l'APC qui les
emmènera dans leur nouvelle demeure. Ils ont tenu à emporter aussi, comme des
reliques témoignant de leurs conditions de vie précaires, les plaques de tôle
ondulée qui leur servaient de toiture. «Aujourd'hui, c'est 1O familles qui
viennent d'être déménagées et dimanche prochain, ce sera le tour des familles
habitant de ce côté-ci de la Batha», fera remarquer Mohamed, lequel n'a pas
jugé nécessaire de nous révéler son nom de famille. Il ajoutera que l'opération
s'est déroulée dans de bonnes conditions, qu'il n'y a pas eu de contestation.
Déplacés en même temps que lui, ses deux frères ont obtenu un F2 dans la même
cité. L'évacuation des anciens logements s'est faite sous l'oeil vigilant
d'agents de la cellule de suivi du projet de réhabilitation rattachée à
l'Office de la culture et de l'information, qui étaient là pour veiller à ce
que, dans leur retraite, les anciens habitants n'emportent aucune pièce, ou
objet quelconque faisant partie de ce patrimoine historique et que, après
l'évacuation, les logements ne soient pas squattés par des intrus. Des familles
relogées, d'autres qui le seront bientôt, il y a aussi celles qui habitent dans
des sites précaires qui ont obtenu leurs bons d'affectation depuis environ
trois ans et qui attendent un relogement qui ne vient pas. Il s'agit d'une
centaine de familles environ qui occupent le site d'habitat précaire de
Zerzara, considéré comme le bidonville le plus ancien de Constantine, puisque,
selon les dires de ses résidents, il a été créé en 195O sur le site d'une ancienne
ferme coloniale. Rencontrés, hier, en ville lors de l'évacuation des familles
de Souika, des résidents de ce site nous ont expliqué qu'ils avaient obtenu les
bons d'affectation en 2O11 et que, depuis, ils n'ont cessé de relancer les
autorités pour leur relogement dans des appartements neufs à Ali Mendjeli. «En
lui faisant part de notre profonde inquiétude et de notre impatience, l'actuel
chef de daïra a expliqué le retard par la réorientation de notre destination.
Au départ, il était prévu de nous loger au niveau de l'unité de voisinage n°2O,
mais il vient de nous apprendre que le programme a été changé et que nous
sommes réorientés vers les logements en préparation dans l'unité de voisinage
n°16. Et le chef de la daïra s'est abstenu d'avancer une date quelconque pour
notre évacuation, se contenant de dire que les travaux qui se mènent
actuellement au niveau de l'UV 16 ne sont pas encore terminés», ont expliqué
nos interlocuteurs.