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Abdelmalek Sellal n'est plus le Premier ministre, il
a abandonné le poste pour s'occuper de la campagne d'Abdelaziz Bouteflika,
candidat «absent» pour un quatrième mandat. Une candidature qui suscite une
très forte controverse en raison de son état de santé et donc de sa capacité à
assumer les fonctions de président. Sellal est donc sa «voix» dans cette
campagne du 4ème mandat menée sous le slogan de la «stabilité». M. Sellal n'est
pas un tribun, il cherche à compenser par une tendance à faire des blagues, à
lancer des boutades. Cela apparemment le fait rire mais il ne semble pas se
rendre compte que ça ne fait pas rire les autres. Ni qu'il fait rire les autres
à ses dépens.
Faire de l'humour n'est pas mauvais quand c'est réussi. En faire à tout prix quand on exerce une «haute fonction» devient problématique. Lancer des boutades de mauvais goût sur les Chaouias alors que Ghardaïa sombre, sous les yeux impuissants des Algériens dans la régression tribale violente, est une grave faute politique. Que M. Sellal se croit «trahi» par une chaîne de télévision «amie» qui couvrait tout de lui, y compris ses mauvaises blagues, ne change rien à la chose. Quand on exerce une haute fonction dans l'Etat, on doit, en toute circonstance, mesurer la portée de ce que l'on dit. A plus forte raison quand on est le porte-voix d'une candidature qui est en train de diviser même les organisations du régime. Car cela ne vole pas haut. On a eu le «maudit soit celui qui ne nous aime pas» de Benyounès - traduisible par «nous avons le pouvoir et on fait ce qu'on veut» -, Sellal vient d'en rajouter une louche avec sa blague de très mauvais goût sur les Chaouias. Les intentions présumées de M. Sellal ne comptent pas, pas plus que l'argument selon lequel il ne faisait que deviser innocemment avec un vieil ami chaoui. Cet homme fait, en théorie, de la politique. Il dirige une campagne dans un contexte de forte polémique sur le 4ème mandat et dans un pays saisi par une extrême anxiété en raison de l'effondrement des normes minimales à Ghardaïa. Fallait-il en rajouter avec ces blagues qui ne font rire personne ? Et qui donnent une piètre image de l'Algérie et de l'affaissement du niveau de l'exercice des responsabilités publiques. Sellal ne peut pas plaider la naïveté innocente. Etre naïf à ce niveau de responsabilité n'a aucun sens. Ignorer à ce point l'état de tension sociale qui existe dans le pays actuellement confirme que dans les sphères du pouvoir on vit dans une bulle. Quand l'écho leur parvient du sentiment de flétrissure que le régime est en train d'infliger à de nombreux Algériens, on a le bombement de torse et le mouvement de menton de ceux qui se sentent puissants : «Maudit soit celui qui ne nous aime pas» ! Les mots ne tombent jamais dans l'oreille de sourds. Ils laissent des traces et font des dégâts. Surtout quand ils sont exprimés par des hommes qui ont du pouvoir mais qui n'ont pas la légitimité. Ni d'ailleurs le talent. Les porte-voix du pouvoir oscillent aujourd'hui entre la langue de bois nord-coréenne d'Ouyahia et la blague qui casse de Sellal. Et on mesure à quel point le sérieux a reculé alors que la situation du pays est sérieuse. Que dire aux gens de Ghardaïa qui sont déroutés par la disparition de l'Etat et la plongée dans la violence ? Que dire aux Algériens du pays Chaouia froissés par ce mauvais goût au pouvoir ? Peut-être et sans fausse innocence lui retourner sa blague : «Sellal est un haut responsable dans ce régime, hacha l'Algérie» ! |
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