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A main levée ! La manière dont s'est déroulé le vote
du Forum des chefs d'entreprises en faveur du quatrième mandat de Bouteflika
rappelle trop les cérémonies de l'allégeance organisées par le Makhzen pour ne
pas faire mal au très résiduel sentiment républicain en Algérie. Un patron
scandalisé parle du «vote de la terreur» pour désigner une cérémonie expédiée à
la va-vite, comme un acte honteux. Omar Ramdane, ancien baroudeur de l'ALN et
président d'honneur, n'a pas admis ce détournement de la procédure du vote. Il
a refusé, comme d'autres patrons, de participer. Slim Othmani n'a pas hésité,
lui, à annoncer son retrait du Forum des chefs d'entreprises (FCE) en faisant
remarquer qu'on ne faisait que discréditer le monde de l'entreprise aux yeux
des Algériens. Et de fait, ce qui s'est passé à l'Aurassi, jeudi, est tellement
infantilisant qu'il suscite la révolte d'entrepreneurs qui défendent des règles
basiques d'une gouvernance normale en Algérie.
Nul n'ignore que le règlement intérieur et les statuts de l'organisation lui interdisent de se mêler des batailles électorales. Il n'est pas inutile, pour la pédagogie du respect de la loi, de souligner que le FCE sort de ses prérogatives en appelant à voter pour un candidat. Au regard de l'article 13 de la loi sur les associations, il est souligné que ces dernières sont «distinctes par leur objet, leur dénomination et leur fonctionnement des partis politiques et ne peuvent entretenir avec eux aucune relation qu'elle soit organique ou structurelle, ni recevoir de subventions, dons ou legs sous quelque forme que ce soit de leur part, ni participer à leur financement». Et une élection présidentielle est une affaire de partis et d'hommes politiques, il n'est pas besoin d'ergoter sur une «conjoncture internationale tendue» pour le justifier. L'art 43 prévoit même une possibilité de dissolution lorsque l'association «a exercé une ou des activités autres que celles prévues par ses statuts». Ceux qui ont refusé de participer à l'opération d'allégeance à «main levée» ont du mérite : ils sont respectueux des lois. Ils refusent la caporalisation. Le patron du FCE, Reda Hamiani, et les patrons qui ont fait le forcing pour imposer une cérémonie d'allégeance ne sortent pas grandis de cette histoire. Ils n'auront même pas eu l'élégance élémentaire de respecter l'engagement d'un vote à bulletin secret. Il n'est pas besoin de leur expliquer comment a été reçue cette volte-face, ce sont des « hommes modernes» qui savent ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Le Forum des chefs d'entreprises en sort divisé. Une organisation de plus dont les dirigeants auront cédé par intérêt ou manque de courage - défendre la loi en Algérie en demande ! - aux pressions et aux sollicitations. Pourtant, ce qu'il faut retenir de cette cérémonie d'allégeance à la sauce du néo-makhzen algérienne est qu'elle a rencontré une résistance inattendue. L'alignement du FCE n'est pas une surprise. La vraie surprise est qu'il y a eu des entrepreneurs qui ont refusé de manière publique pour certains d'entre eux, par leur absence pour d'autres, de cautionner un renouvellement de l'allégeance. Ils expriment bien une volonté - ou une velléité - d'émancipation qui ne peut que s'affirmer face aux dangereuses impasses du régime. Et aux pressions et aux atteintes aux dignités qu'il impose. |
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