
La grève se
poursuit, voire se renforce, pour la deuxième journée consécutive au niveau du
complexe sidérurgique d'El-Hadjar.
Hier, a-t-on
appris de sources syndicales, d'autres travailleurs encore ont rejoint le
débrayage, paralysant l'activité à travers toutes les unités de production. Et
les choses semblent évoluer vers une situation de pourrissement en l'absence du
moindre signe qui plaiderait en faveur d'un proche dénouement du conflit. «Nous
avons prévenu tous les responsables et à tous les niveaux sur les risques d'un
dérapage des évènements vers les actions musclées et non encadrées par le
syndicat pour faire valoir nos droits. Et si le syndicat d'entreprise a
toujours fait preuve de sagesse pour apaiser la tension grâce à la confiance
partagée entre les travailleurs et leurs représentants, aujourd'hui, nous
sommes arrivés à un stade où le pacte de stabilité sociale signé entre le
syndicat et l'employeur a été piétiné par ce dernier, notamment à travers les
agissements décriés de la direction des ressources humaines, provoquant une
rupture des relations entre les deux partenaires et poussant les salariés à
prendre eux-mêmes leur destin entre leurs mains pour suppléer toute action
syndicale et faire bloc commun afin de se dresser contre le plan de
déstabilisation mené au sein du complexe», nous a déclaré hier le secrétaire
général du syndicat d'entreprise ArcelorMittal, M. Daoud Kechichi. Car,
dira-t-il, c'est un véritable plan de «mise à genoux» du complexe sidérurgique,
sur les plans technique et humain, qui est actuellement en exécution par
l'employeur. C'est sur un ton plein d'amertume et de déception que M. Daoud
Kechichi parle d'un véritable drame humain qui frappe toute la wilaya d'Annaba.
«Rien qu'en 2013, le complexe a enregistré une perte de 500 emplois. Et si on
fait le bilan de la période allant de 2009 jusqu'à 2014, les pertes dans ce
domaine se chiffrent à 7.600 emplois, qui ont mis sur le carreau autant de
travailleurs et des bouches à nourrir à multiplier par une moyenne de 5», indique
M. D. Kechichi. Ajoutant dans ce sillage que le but visé à travers les
licenciements abusifs en cours est d'atteindre à moyen terme une compression
inavouée des travailleurs qui ramènerait l'effectif global au sein du complexe
à 2.800 salariés seulement ! D'où l'inquiétude légitime et fondée des
travailleurs qui ont décidé de hausser le ton et engager le bras de fer avec la
direction générale pour exiger le respect des termes de la convention
collective, l'arrêt de la surexploitation humaine en heures supplémentaires,
l'arrêt des licenciements abusifs et l'application du nouvel organigramme.
«Franchement, avoue le secrétaire général du syndicat d'entreprise, nous avons
l'impression de vivre sous l'emprise d'une maffia qui semble avoir des appuis
très solides. J'irai plus loin en qualifiant cela d'occupation ou colonisation.
Car, le partenaire étranger continue à faire à sa tête, exploite les
travailleurs dans des conditions pas trop loin de la servitude et prête peu ou
aucune considération pour les nouvelles règles de partenariat fixées à 49/51,
avec une majorité détenue par l'Etat». L'ultime recours à la grève peut certes
bien arranger les affaires de ceux qui veulent approfondir la crise à travers
le manque à gagner qui en résulterait inévitablement, mais c'est aussi le seul
moyen pour alerter les pouvoirs publics sur ce qui trame contre le poumon de
l'industrie algérienne, dira un gréviste.