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Le discours sur la stabilité prend une tournure
grotesque chez les défenseurs du quatrième mandat de Bouteflika. Ceux qui sont
en charge de la campagne sont entrés dans une surenchère déplaisante sur le thème
de la stabilité et donc des «menaces» qui pèsent sur le pays. On invente même
des déclarations de responsables étrangers qui évoquent de sombres plans de
déstabilisation pour donner du «contenu» à une déformation dangereusement
politicienne de la notion de stabilité. Or, on sait que les agences de presse
n'auraient jamais occulté de tels propos s'ils avaient vraiment existé.
On est dans la fabrique d'un discours malsain qui sature déjà le paysage. Et cela risque de monter crescendo. Ce discours est nocif car à force d'abuser de fausses alertes au feu, il perd toute crédibilité. Et quand le vrai incendie arrive? Les Algériens qui s'expriment, aujourd'hui, contre le 4ème mandat ne sont pas en déficit de patriotisme, ceux qui boycottent la présidentielle non plus. Pas plus ceux qui estiment que les jeux sont totalement pipés et qu'ils n'ont rien à faire dans une partie déjà jouée. Ces attitudes ne sont pas infondées. L'immobilisme du régime algérien est tel qu'il ne peut plus masquer la fiction institutionnelle. Et ce ne sont pas les outrances verbales des défenseurs du statuquo qui y changeront quelque chose. La majorité des Algériens se considèrent hors du jeu prenant acte du fait que les choses se déroulent sans eux. La dichotomie entre l'Algérie officielle et l'Algérie réelle est devenue abyssale. La gestion, aberrante, de la rente permet de calmer les esprits. Mais cette forme de prédation inégale «organisée» par le régime ne peut plus cacher la grave érosion du projet national. Il suffirait que les ressources hydrocarbures baissent - et tous les experts sont pessimistes pour la décennie qui arrive - pour que cette fausse paix sociale vole en éclats. Voilà une vraie menace, sérieuse, pour l'avenir immédiat de l'Algérie que les «stabilisateurs» n'évoquent pas. Car il ne s'agit plus de désigner des forces sournoises mais de relever que le système de gouvernance est totalement obsolète et dangereux pour le pays. Il y a un essoufflement très grave du projet national et on ne perçoit aucun élan pour le relancer. Il y a une dangereuse déstabilisation par l'immobilisme dans un pays où les besoins et les attentes grandissent. Et qui a besoin impérieusement que le rapport de l'Etat à la société change de manière radicale. Ce pays a besoin d'une véritable mise à jour sur tous les plans. Elle ne se fait pas à cause de l'immobilisme qu'on essaie de présenter comme de la stabilité. Cela affecte l'efficacité de l'administration, favorise la corruption et surtout ruine de façon durable les valeurs du travail, le sentiment d'appartenance. Rien n'est donné de manière définitive ! Les Etats qui ont mis sur la touche leur population, n'ont pas institué des règles protégeant les citoyens et assurant l'effectivité de l'exercice de leurs droits, sont les plus instables. Même le patriotisme n'est pas une donnée définitive, il s'entretient par la participation, réelle pas fictive, par le sentiment qu'ont les citoyens d'être libres, de posséder les instruments pour demander des comptes aux gouvernants et de les pousser à la sortie quand ils échouent. Le discours de la stabilité est dangereux, à plus forte raison quand il décerne des accusations de trahison à l'égard des Algériens qui s'inquiètent de la dangereuse permanence d'un système failli. Le patriotisme aujourd'hui, c'est la démocratie, l'Etat de droit, la liberté pour les Algériens, leur droit de s'organiser. La vraie stabilité est fille de la liberté et des droits. Le patriotisme s'y renouvèle et s'y régénère. |
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