L'affaire dite «du Cyclamate» qui a envoyé 39 pharmaciens, de la région
de Constantine, devant les tribunaux, a fait réagir la corporation des
pharmaciens de l'est du pays. Réunis, jeudi matin, au siège du bureau de
l'Ordre des pharmaciens, à la nouvelle ville Ali Mendjeli, les présidents des
sections ordinales des pharmaciens des régions de l'Est (SORP) de Constantine,
Batna, Sétif et Annaba, qui regroupent pratiquement les pharmaciens inscrits au
tableau de l'Ordre de toute la région-est, sont tombés, à bras raccourcis, sur
l'administration de tutelle, notamment les directions de la Santé des wilayas,
qui, selon eux, «ne jouent pas le jeu, en s'abstenant d'appliquer les décisions
disciplinaires prononcées par le conseil de l'Ordre contre les pharmaciens
fautifs, comme le stipule la loi». Dans certains cas, ils ont même accusé
l'administration d'inciter les pharmaciens fautifs à passer, outre les
décisions du conseil de l'Ordre. «Nous avons une majorité de pharmaciens,
installés sans qu'ils soient inscrits au tableau de l'Ordre, comme le prévoit
l'article 4, du décret 92-296, et de ce fait se placent en position d'exercice
illégal de la profession, mais les DSP, qui le savent, laissent faire», a
déclaré M. Baghloul Kamel, président de la SORP de Constantine. Son collègue de
Annaba, M. Belkhodja Naoufel, a signalé qu'un pharmacien de Souk-Ahras a
exercé, pendant 15 ans, sans qu'il soit inscrit au tableau de l'Ordre. Et celui
de Sétif de renchérir, en révélant que le phénomène de location des diplômes
est très répandu. «Pour la seule wilaya de M'sila, a affirmé M. Tamani Mourad,
nous avons recensé une vingtaine de pharmaciens qui ont loué leurs diplômes à
des tierces personnes alors qu'ils résident au Canada, en Allemagne, en France,
en Tunisie et ailleurs. Nous avons saisi toutes les autorités, aussi bien la DSP
que la wilaya, mais nous n'avons eu aucun écho. Alors, nous avons été obligés
de prendre des décisions disciplinaires en demandant leur radiation. Pour nous,
ce sont des gens qui exercent, illégalement, le métier de pharmacien
d'officine. Nous attendons les décisions de la tutelle pour sanctionner ces
fautifs et rétablir la légalité». Dans la foulée, les représentants des autres
régions ont signalé le cas des pharmaciens qui ouvrent une officine dans une
région alors qu'ils résident dans une autre, de ceux qui ouvrent deux
officines, dans deux villes différentes, alors que la loi l'interdit,
formellement. Le président de la SORP de Annaba, M. Belkhodja Naoufel, a
signalé le cas des jeunes pharmaciens qui sont installés dans les «zones
enclavées» et soumis à l'appétit des «trabendistes». Ces nouveaux venus dans la
profession arrivent à des situations d'étranglement financier et finissent par
céder aux appels des sirènes du trabendo, en vendant du médicament non contrôlé
introduit au pays par «le cabas». Et de citer le cas de ce pharmacien de
Souk-Ahras qui a été pris en flagrant délit de vente de psychotropes par les
services de la Gendarmerie nationale et qui a été condamné à 10 ans de prison
par le tribunal de Guelma. Durant l'année 2013, dans la région de Batna, une
dizaine de pharmaciens ont été sanctionnés pour le motif principal de vente de
médicaments non contrôlés, c'est-à-dire provenant de la contrebande. Trois
autres, installés à El-Oued, ont été radiés pour le même motif. «Une vingtaine
d'autres ont écopé de sanctions allant du simple avertissement jusqu'à la
radiation du tableau de l'Ordre», a révélé M. Mehri Omar, président de la SORP
de Batna. Et son collègue de Sétif est revenu pour dire, lui aussi : «nous
avons des affaires en justice, dans plusieurs tribunaux administratifs pour des
pharmaciens qui ont ouvert des officines sans s'inscrire au tableau de l'Ordre,
après avoir été autorisés par les DSP. Et nous avons été mis dans l'obligation
d'aller vers les tribunaux pour contester ces installations faites en violation
de la loi».
A propos de l'affaire du «Cyclamate», substance présente dans deux
compléments alimentaires vendus, régulièrement, dans les pharmacies, à
Constantine et à la suite de laquelle la direction du Commerce a porté plainte,
contre 39 pharmaciens de la wilaya, M. Baghloul a déclaré que: « Le conseil de
l'Ordre des pharmaciens a été saisi par le Syndicat des pharmaciens d'officine
de la wilaya, concernant ce conflit qui l'oppose à la direction du Commerce.
Devant la gravité de la situation, nous nous proposons de donner notre avis et
apporter les clarifications nécessaires, dans cette affaire qui a défrayé la
chronique, dernièrement». Et de réaffirmer l'inviolabilité de l'officine
édictée par la loi et son contrôle qui devait se faire dont concomitamment par
la DSP et la direction du Commerce après consultation du conseil de l'Ordre. Sur la
substance incriminée l'intervenant a expliqué que le Cyclamate, pris à doses
homéopathiques n'est pas cancéreux. «Si on raisonne de la même façon que la
direction du Commerce, on trompe le consommateur. Car , dans ce cas, des
dizaines et des dizaines de produits alimentaires courants contiennent des
substances cancirégènes lorsqu'ils sont pris à des doses exagérées. Il y a,
actuellement, dans les pharmacies des médicaments fabriqués par des producteurs
locaux de médicaments, dont le Sulpuren gélule qui contient du cyclamate, il y
a des médicaments importés et autorisés par le ministère de la Santé, comme le
«Doloseptyl», bain de bouche, fabriqué par un laboratoire français et distribué
en Algérie, qui contient, lui aussi, du cyclamate», et d'exhiber les notices de
ces médicaments cités. A notre avis, considéra le président de la SORP de
Constantine, «le Cyclamate ne pose pas problème. C'est le contrôle de la
direction du Commerce, dans les officines, qui pose, en vérité, problème, en
même temps qu'il renseigne sur les empiètements de l'administration sur les
prérogatives du conseil de l'Ordre. On prend des décisions, on ferme des
officines, ensuite on informe le conseil de l'Ordre, alors que c'est l'inverse
qu'il faut faire. Les rôles sont inversés. Et c'est le problème qui se pose,
maintenant, pour la définition de nos rapports avec l'administration.
Heureusement qu'on commence à entrevoir une lueur d'espoir avec le nouveau
ministre car l'administration de la Santé commence à bouger dans un sens
positif», a-t-il conclu.