Malgré le semblant d'une attitude commune face à la crise en Ukraine, les
Européens sont, en vérité, divisés sur la réponse à donner à Moscou. La
surenchère politique prônée par l'Occident n'ébranle en rien Vladimir Poutine
dans la protection des intérêts de la Russie. Réunis lundi après-midi à
Bruxelles en session extraordinaire pour décider d'une attitude commune face à
la crise en Ukraine, les 28 ministres des Affaires étrangères de l'Union
européenne (UE) n'ont pu aboutir à une quelconque action commune qui mettrait
fin à l'escalade de la crise. Ils ont remis la question à débat entre les chefs
des Etats membres qui se retrouveront jeudi à Bruxelles. Cependant, la
rencontre de lundi a laissé apparaître plus d'une divergence au sein de la
famille européenne. Pour ne prendre que les deux pays «meneurs» de l'UE, la
France et l'Allemagne, l'unanimité est loin d'être acquise dans la famille
européenne. «Toute une série de contacts -politiques et diplomatiques- seront
coupés», a déclaré le ministre français Laurent Fabius. « Il faut rétablir le
dialogue -politique et diplomatique- avec Moscou», réplique son homologue
allemand. Alors que les pays frontaliers avec la Russie comme la Pologne et les
pays baltes appellent à un durcissement de ton avec Moscou, d'autres, comme
l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne, insistent pour une solution politique et
diplomatique. Ces lignes de fracture entre Européens ne vont pas, certainement,
permettre une solution rapide de la crise ukrainienne ; crise qui se mue
progressivement en une crise de la diplomatie internationale. Plus encore, les
confidences de certains hauts responsables et diplomates européens dans les
coulisses de Bruxelles révèlent les «erreurs et maladresses» des Européens
depuis le début de la crise : certains s'interrogent sur la question de la
légitimité du nouveau gouvernement autoproclamé à Kiev. D'autres vont jusqu'à
«comprendre» Moscou dans sa volonté de protéger les Russes de Crimée. Autre
constat : depuis le début de la crise, les Européens n'ont pas cessé un va et
vient diplomatique permanent à Kiev, soutenant sans aucune condition les
«pro-européens», alors que Moscou s'est fait discrète, a peu parlé, mais a agi
et envoyé ses soldats en Crimée et aux frontières communes avec l'Ukraine.
«C'est la pire crise de ce 21ème siècle», a déclaré le ministre britannique,
William Hague. Il sous-entend la plus complexe à résoudre. Comme tétanisés par
l'implacabilité de Vladimir Poutine à défendre les intérêts de son pays et des
populations russes en Ukraine, les ministres européens ont laissé la
responsabilité de gérer la crise aux chefs d'Etats. Rien n'indique que ces
derniers sauront trouver les moyens de faire plier la volonté de Moscou d'aller
au bout de sa logique: garder l'Ukraine sous son influence et son contrôle et
surtout garder ses bases militaires navales en mer noire. Les menaces de
boycott économique brandies par les USA et les Européens ne semblent pas
ébranler Vladimir Poutine. Et pour cause : l'isolement de Moscou aura,
automatiquement, des contre coûts en Europe et aux USA. En plus de la
dépendance énergétique des Européens, la Russie détient une solide réserve de
titres de la dette américaine. Par ailleurs, les USA ont besoin du soutien
russe, sinon de sa neutralité dans le traitement des dossiers iranien
(nucléaire), syrien, égyptien.. etc. Vladimir Poutine sait tout cela et sait
les limites des Occidentaux dans leur projet d'expansion dans la région et dans
toute l'Asie mineure. C'est pourquoi, seule la voix diplomatique et le dialogue
entre Occidentaux et Russes, sans la surenchère verbale et les menaces,
permettra une issue politique à la crise. Auquel cas, ce seront les Ukrainiens
qui continueront à être les otages de l'affrontement entre Européens et Russes.
Comme aux vieux temps de la guerre froide.